pour commencer ce magazine, et de réalisme aussi, pour parler jardin de demain sur fond de classicisme d’hier, de vivant dans le cadre d’un monument historique entré dans la légende des siècles, d’avenir rassurant sur fond d’incertitudes climatiques et autres.
Direction Arc-et-Senans, à mi-chemin de Dijon et Besançon, deux villes qui ne peuvent qu’être envieuses de ce qui va se réaliser ici, dans les deux ans à venir : les retrouvailles inespérées, à travers les siècles, avec la Saline Royale conçue au XVII [1] siècle par un architecte visionnaire, Claude-Nicolas Ledoux.
Tout d’abord un site exceptionnel dont l’architecture ne peut qu’étonner, fasciner par sa beauté formelle, sa composition classique. Et puis, le fait que ce soit non un palais, mais un site de production de sel, une usine. Et le résultat d’un constat : lorsqu’il est coûteux de faire monter du bois de la vallée pour évaporer la saumure, il est plus intéressant de la faire descendre dans des tuyaux de bois sur un site situé près de l’immense forêt de Chaux. En un mot, une gestion excessive des ressources naturelles sur la saline de Salins-les-Bains motive le déplacement partiel de l’activité à Arc et Senans.
Et puis un architecte exceptionnel, Claude Nicolas Ledoux dont les écrits incitent à l’harmonie des contraires, à la réconciliation du minéral avec le végétal, de l’homme avec la nature, du riche avec le pauvre…
Une commande : réaliser un nouveau projet d’aménagement afin de proposer une expression contemporaine de la pensée de Claude-Nicolas Ledoux qui rêvait de concevoir une cité idéale en forme de cercle autour de la manufacture.
Ajoutez à cela un paysagiste jardinier atypique en la personne de Gilles Clément dont la pensée profonde est que le jardinier ne doit pas lutter contre la nature, mais l’accompagner avec toute l’exigence que réclament le respect, la compréhension, la contemplation… Et surtout ne plus tuer ! Ne plus tuer les plantes indésirables et avec elles, tout un écosystème peuplé d’insectes, d’oiseaux, de mammifères…
Mélangez avec beaucoup de sensibilité dans le dessin, une bonne connaissance de la distance entre le rêve et la mise en œuvre, bref, une équipe locale de paysagistes talentueux et sincères surtout dans ses doutes, une pensée et une activité en mouvement permanent.
Ajoutez pour finir un architecte du patrimoine, un écologue, un soupçon de philosophie et vous avez ce projet de cercle immense, un aménagement paysager qui respecte l’ambition première de Claude Nicolas Ledoux, réconcilier, ouvrir la voie vers une certaine harmonie. Un projet de jardin, un endroit clos pour prendre plaisir, se reposer et s’étonner. Une école de pratiques déjà en œuvre dans le festival des jardins éphémères peut-être demain… un rêve.
Un projet pour s’étonner du végétal, comprendre qu’il est un des seuls organismes à pouvoir produire avec des sels minéraux de l’eau et de la lumière ce que peu d’organismes sont capables de faire : produire de la vie organique, de la VIE. Passer de l’or blanc qu’était le sel à l’or vert qu’est le végétal dans toutes ses formes d’expression. Faire prendre conscience que sans le végétal la Terre serait sans sol et sans atmosphère invivable, que nous dépendons de cette faculté extraordinaire trop souvent oubliée. Que c’est la branche sur laquelle l’humanité est assise, un mystère à la base de la vie. Un démiurge actif qui est bien sur terre et non au ciel.
Et puis… le reste, la graine, la fleur, le fruit, la feuille....
Ce projet allie jardin en mouvement, tiers paysage et une leçon venue directement de nos cousines végétales : la collaboration et l’économie circulaire. Deux façons d’être au monde que l’équipe de ce projet a trouvé très actives sur le site : faire avec l’autre et non en compétition, fédérer autour d’un projet en mouvement, utiliser le déchet comme une ressource, comprendre et agir comme le végétal, reprendre à nouveau le rêve utopique de Claude Nicolas Ledoux, modestement, mais avec plein d’ambition. Faire de ce projet un lieu d’expérimentation, de pédagogie, un laboratoire des métiers du paysage, un espace de biodiversité…
L’équipe : les paysagistes Mayot & Toussaint, l’« artiste et jardinier » Gilles Clément, l’agence Alep Architectes (cabinet spécialisé en architecture du patrimoine), Soberco Environnement (bureau d’études en ingénierie de l’environnement) et Sébastien Appert (Philosophe consultant).
PS : le travail de Gilles Clément sera présenté à partir de janvier 2021 dans une exposition qui se tiendra à Latitude21, la maison de l’architecture et de l’environnement de Dijon métropole. Nous en reparlerons. ■ GB
10 jardins pédagogiques de 13000 m°, lieu de création chaque année pour de jeunes élèves paysagistes : jardins des couleurs et des odeurs, jardins de plantes médicinales et aromatiques, jardins de céréales anciennes, potager en permaculture. Une prairie fleurie centrale mènera à un jardin d’eau et une promenade comestible sera également proposée aux visiteurs.
Des jardins qui feront échos aux jardins en mouvement du premier cercle. 10 jardins permanents sur 7000 m², sur le thème de la graine, du sol, du climat, du recyclage, du potager, du vivant et de la biodiversité.
Vivement demain !
[1] ème