Octobre 2016
N°68« Elle n’avait aucune envie de devenir reine de beauté, mais le sort était sur le point d’en décider autrement ». Tel est l’incipit du roman de Nick Hornby, « Funny Girl », une totale réussite que je vous conseille de vous procurer, toutes affaires cessantes, et qui paraît en édition de poche.
On sait la passion que Nick Hornby voue aux sixties, depuis son tout premier roman, « High Fidelity ». Cette fois encore, l’auteur rejoue la partition de cette époque où tout semblait facile, le succès y compris. Son héroïne, Barbara Parker, une très jolie fille (« elle avait la taille de guêpe de Gaye Gambol, une poitrine opulente, une chevelure blonde et un regard de biche ») est devenue l’incontestable nouvelle star de la comédie à succès de la BBC sous le pseudonyme de Sophie Straw. Elle doit sa réussite à son talent, mais aussi à sa gentillesse et à son audace de working class, qui lui permettent d’éviter les pièges placés sur sa route avec bonne humeur et naturel.
Montée à Londres, la belle fait la connaissance de deux scénaristes de la BBC, qui acceptent de lui concocter une « comedy playhouse » intitulée « Barbara (et Jim) » ; celle-ci rencontre, dès les premiers épisodes, un grand succès populaire. La voilà lancée…
Et la musique, alors ? Elle est partout, de fait, mais en filigrane seulement ; on ne l’entend pas mais néanmoins elle rythme les aventures de la sympathique Barbara, devenue Sophie Straw. Elle est présente dans le rythme du récit, résolument pop et chatoyant, dans les dialogues enlevés, semblables aux refrains optimistes et un peu mièvres des premiers succès des Beatles. De fait, ce n’est pas la musique la vedette, mais l’époque, cet âge d’or que l’on n’évoque plus aujourd’hui sans un profond sentiment de nostalgie.
« Funny Girl » est une incontestable réussite, capable de vous redonner le sourire après une journée exténuante. Et puis, ce qui ne gâche rien, bien au contraire, Nick Hornby est un tendre : il jette un regard complice sur les tranches de vies qui évoquent celles de l’héroïne, de Clive, un acteur beau mais superficiel, de Denis, le producteur, des scénaristes, auteurs du sitcom fictif à la réussite duquel tous travaillent, et ainsi la fiction se mêle à la vraie vie, formant la trame symbolique d’une époque découpée en saisons.
Les sixties se terminèrent dans le deuil et le sang. Ceci nous est ici épargné. Merci donc, M. Hornby, de faire revivre ainsi nos illusions d’antan, et de les évoquer comme si elles pouvaient être éternelles.