Juin 2008
N°35Rencontre avec Laurent Joyeux, un homme de l’ombre qui a décidé de faire toute la lumière sur ce qui se passe dans les coulisses de l’Opéra de Dijon, pour redonner son vrai nom à l’ensemble formé par le Grand Théâtre et l’Auditorium. En sa compagnie et aux côtés des 200 salariés qui le font vivre au fil des saisons, embarquez pour une croisière étonnante sur ce grand paquebot amarré aux portes de la ville.
Quittons un instant nos envies de campagne pour aller faire un tour en haute mer. Cette mer qui est peut-être la seule chose qui manquait pour nous rendre heureux, et qui s’affiche sur tous les panneaux publicitaires, reprenant la couverture du programme de la nouvelle saison 2008-2009 de l’Opéra de Dijon. Un rêve d’évasion, une envie d’ailleurs. Un monde nouveau bâti grâce aux anciens qui ont ouvert la voie, et avec l’aide de ceux qui, venus d’ailleurs, nous apportent une bouffée d’oxygène. Tout un symbole, politiquement correct on l’espère.
Pas de vacheries dans cet article, ou si peu, pour changer. D’abord parce que ce qui se passe en ce moment dans les coulisses nous plait beaucoup. Le temps des vaches maigres semble bien terminé. Pas question d’en revenir pour autant aux divas beuglantes d’avant-guerre (ou d’avant 68, c’est pareil, ici) ni aux ténors roulant des yeux de veau devant leurs partenaires outrageusement maquillées. Le Dijon de Rebsamen n’ayant plus rien à voir avec celui de Gaston-Gérard ou de Poujade, il était logique de continuer la politique d’ouverture des années passées, tout en redressant le cap, après quelques années de cafouillage que je n’oserais qualifié de joyeux, pour ne pas faire de peine au nouveau directeur de cette grande maison… Ni aux anciens, qui ont eu le mérite de lancer le navire, quand l’argent ne coulait pas encore à flot.
Laurent Joyeux connaît la musique, pour l’avoir étudiée et jouée sa vie durant, avant d’aller se frotter à une direction de grande maison à Lille, juste avant Dijon. A ses côtés, on retrouve le strasbourgeois Géraud Didier, autre homme de l’ombre difficile à cerner, à la croisée des chemins du théâtre, de la danse, des arts visuels et du cirque… Deux hommes de l’est, pour nous ouvrir de nouveaux horizons. Deux hommes venus de villes européennes, pour permettre à Dijon de passer le cap, même s’il reste du chemin à parcourir. On ne peut pas demander à ce qui était encore il y a encore quelques décennies une cité frileuse heureuse de se réchauffer en hiver au soleil des opérettes de Lopez, de frémir aux drames verdiens sur fond de décor de carton pâte ou de ballets en tutus de devenir du jour au lendemain une ville d’aventuriers. Quoique…
Et puisque l’on parle désormais d’Opéra de Dijon, place donc à la musique, fil rouge de tout le projet élaboré en grand secret au fil des mois, et dont la saison à venir est une première ébauche. La musique d’hier, d’aujourd’hui et de demain, la maison restant grande ouverte sur la création, tout en se tournant vers des répertoires jusque là peu visités, comme le baroque. 10 productions par an, car l’Opéra de Dijon se veut plus que jamais tourné vers la création de spectacles lyriques au sens large. On diminue les productions pour augmenter les représentations et la qualité, on fait confiance à des metteurs en scènes variés pour renouveler l’esthétique et réveiller l’intérêt du public. Du coup, on n’applaudira que plus les nouvelles productions d’Olivier Desbordes, préparant une décapante « Belle de Cadix » ou des « Contes d’Hoffman » dont il est un des rares à restituer l’ironie autant que l’émotion, le retour attendu d’Eric Perez, applaudi lors d’un Macbeth d’anthologie, pour Aïda, et en fin de saison celui d’Olivier Py dans un
« Tristan und Isolde » qui devrait créer l’événement en juin prochain.
Mais des évènements, il n’en manquera pas, au fil des mois, ne serait-ce qu’autour de la danse, qui retrouve ici toute sa place. Un même lieu accueillera les pires turpitudes contemporaines dévoilées cette année par des chorégraphes belges n’ayant pas froid aux yeux et un « Casse-Noisette »
féérique, en remplacement de la traditionnelle opérette de fin d’année. On croit rêver !
Bon, on ne va pas vous enlever le plaisir de découvrir par vous même la saison, ni celui de composer (ou offrir) pour la première fois votre abonnement-pochette surprise, puisque chacun est libre de choisir ce qui lui plait quand ça lui plait (ce qui permettra à la petite dame qui m’a marché deux fois sur les pieds cette année en quittant son siège au bout de vingt minutes de danse trop osée à ses yeux de ne plus recommencer, non mais sans blague !)
Les amoureux de la musique classique revivront la naissance de l’héroïne moderne, de Glück à Berlioz, les aventuriers en herbe (rien de fumeux pourtant) se régaleront avec David Grimal et Les Dissonnances, le temps de soirées magiques réunissant pour la première fois, à Dijon, ces artistes désormais en résidence. Un ensemble à géométrie variable qui joue sans chef, symbole de talent autant que de liberté.
On reviendra au fil des mois sur l’arrivée très attendue de Dame Félicity Lott pour la soirée inaugurale du Festival Présence, sur le retour très attendu de l’ensemble Ictus dans un programme (d)étonnant autour de Waits et Weill (whaouh !), sur la nouvelle production de l’œuvre hybride de Purcell, The Fairy Queen, sur la création du Blanche Neige de Preljocaj, qui risque d’en faire rougir plus d’un… Et la reprise du Blue Lady de Carolyn Carlson, solo légendaire d’une chorégraphe légendaire, qu’il disait… Et l’Inferno de Romeo Castelluci, qui sera créé cet été à Avignon, c’est quand même quelque chose, non ? A tout Romeo il faut une Juliette, diront les romantiques. Ils ne vont pas être déçus avec l’arrivée de Juliette Deschamps, mettant en scène Anna Caterina Antonacci, une des plus grandes sopranes italiennes, dans L’Altre Stelle…
L’émotion, la tendresse, l’humour, l’ironie… Un peu de brumes du nord, une joie de vivre soufflant du sud, embarquez pour la croisière qui vous emmènera, sans quitter votre siège-cabine, en voyage autour du monde. Sourire aux lèvres, on l’espère.
Renseignements et réservations sur place au Grand Théâtre, du lun au sam de 11h à 18h ou par tél : 03-80-48-82-82. www.opera-dijon.fr