Printemps 2015
N°62Il y a un siècle à peine, c’étaient les durs qui se tatouaient, les marginaux, les repris de justice. A présent, le tatouage s’est démocratisé et beaucoup d’hommes et de femmes ont recours au talent d’un homme ou d’une femme de l’art pour orner leur peau d’une image de leur choix, que celle-ci soit apparente ou non.
Et pourtant, si les premiers hommes tatoués apparaissent dès le néolithique, la condamnation de l’art du tatouage par le judaïsme d’abord et le christianisme ensuite fit qu’il disparut presque entièrement en Occident, ne faisant sa réapparition que dans la seconde moitié du XVIIIe siècle, chez les marins particulièrement. Mais non pour des motifs esthétiques ou religieux : s’ils inscrivaient sur leur peau un crucifix, c’était pour se prémunir contre la flagellation, car c’était alors un crime de défigurer une image pieuse.
Dans notre pays, la mode du tatouage est devenue monnaie courante depuis une vingtaine d’années. « The Tattoorialist », de Nicolas Brulez, photographe, nous propose en pleine lumière une galerie de 100 hommes et femmes tatoués. Un spectacle fascinant, d’autant plus que l’auteur nous pousse à regarder par-delà les apparences et à pénétrer dans le cœur vif de cet art pas comme les autres, sondant les motivations des uns et des autres. Ainsi, l’ouvrage se présente comme une galerie de portraits, chaque sujet étant saisi dans son environnement, nous contant son histoire ainsi que celle de son tatouage. L’auteur nous propose ainsi d’effectuer un voyage plein de surprises au sein d’un monde dont on ne soupçonnait pas ou peu l’existence. Fleurs, phrases, mots, monstres, figures abstraites, symboles religieux ou païens forment la grammaire de cet art unique qui se sert du corps humain comme support à la création. A lire, voire, goûter, méditer en tant que reflet inattendu de notre époque.
The Tattoorialist, de Nicolas Brulez, éditions Tana, 35 €.