
Fin janvier, quand vous suivrez le bon saint Vincent au travers des rues décorées et animées, ayez une pensée émue pour ce préfet de l’époque qui, ayant eu vent d’une fronde des habitants qui voulaient que le village s’appelle seulement Chambertin, les menaça de l’appeler « Gevrey-tout-court ».
C’est en 1847, par ordonnance royale de Louis-Philippe, que Gevrey devint la première commune viticole autorisée à ajouter le nom de son Grand Cru le plus prestigieux au nom du village. Gevrey devient alors Gevrey-Chambertin.
Par ses 26 premiers crus, ses 80 lieux-dits villages et ses 9 Grands Crus, Gevrey-Chambertin occupe une place de choix au cœur des Climats du Vignoble de Bourgogne inscrits au Patrimoine Mondial de l’Unesco en 2015. Le terme « Climat », peut-être est-il utile de le rappeler, qualifie une parcelle de vigne qui possède son histoire et bénéficie de conditions climatiques et géologiques particulières. Le vin issu d’un Climat est unique et c’est en 1584 que la mention la plus ancienne de Climat apparait pour qualifier... le Chambertin ! Le nom de Chambertin est partout ici : sur les monuments, les commerces, les rues... normal donc qu’on le célèbre comme un roi.
« Vin de roi, roi des vins », sanctifié par Victor Hugo, bu par Napoléon Ier, le Chambertin peut faire le malin ! N’empêche, il devra quand même s’incliner devant le passage du saint, comme tout un chacun. ■
Quand Gevrey se la jouait Game of Thrones
Plus grand vignoble de la Côte-d’Or avec ses 550 hectares, Gevrey se singularise également par son Clos de Bèze, qui fait partie des terres données par Almagaire de Bourgogne à l’abbaye de Bèze. Amateurs d’intrigues genre Game of Thrones, vous devriez l’aimer, ce bon duc Amalgaire. Un duc d’avant les grands ducs Valois, à qui Dagobert 1er avait demandé d’assassiner l’oncle du demi-frère du roi Caribert, roi d’Aquitaine et demi-frère de Dagobert lui-même (faut suivre, relisez !). Pour le récompenser, Dagobert lui aurait donné d’importantes terres en Bourgogne. Ce serait donc pour racheter cette faute que le duc Amalgaire fonda, avec son épouse, l’abbaye sur le site de Bèze. Une bien belle histoire, certainement fausse. Reste ce clos, institué en 630 et constitué entièrement au XIII° dans sa superficie actuelle, considéré comme le doyen des clos bourguignons. ■