Décembre 2010 - Janvier février mars 2011
N°45Jean Maisonnave
Au commencement était le feu. Enfin non au commencement était le cru. Le feu vint après et avec lui, le cuit puis la cuisine ; donc la culture. Bien plus tard, on a enfermé le feu pour plein de raisons. Mais la cuisine à feu nu dans la pièce à manger, on peut soutenir que c’est une redécouverte du XXe siècle. Avant, ça voulait dire qu’on mangeait à la cuisine, c’est à dire chez les péquenots, ou à l’office avec le personnel, les odeurs en plus et la matérialité de la chose, pouacre. Il y eut bien les rôtisseurs, les broches, la lardoire mais on ne mangeait pas trop à côté, sauf dans quelques froides auberges ou dans les films d’époque parce que c’est joli. Quant aux grills, il n’y en avait que dans les rues jusqu’à la troisième république ; on y servait la viande très cuite, accompagnée parfois de trique-madame, une plante charnue qui donnait à rêver.
Le feu aussi donne à rêver. Manger près de lui, c’est célébrer deux fois la vie. De quoi conjurer la précoce froidure, quand le corps se recroqueville et que l’âme elle-même s’étrécit autour de quelques idées sans chaleur. Car le feu est aussi lumière et poésie. Voici quelques adresses*, il en est d’autres. _ Jean Maisonnave
* Les tarifs sont calculés sur la base moyenne entrée, plat, dessert. Hors les boissons.
image gratuite Luxe Campagne
Central en effet. C’est là qu’on se retrouve à midi quand on veut manger bien et qu’on bosse à quatorze heures. Genre un poisson grillé et une Badoit ou, si on n’a pas peur, un pied de cochon et un Volnay. Mais parfait le poisson, inexpugnable le pied de cochon, tarifé serré le Volnay. Tout est là : des produits excellents, des accommodements malins (béarnaise, beurre blanc…), des bouteilles achetées en grande quantité. Bref, adossée à une puissance économique, une restauration moderne que le grand père avait imaginée début soixante, que le petit fils continue de pratiquer sans grand changement. Avec l’immuable chariot des desserts pâtissiers. L’essentiel est là, autour du feu, une rôtisserie ou un grill chic, comme on veut, mais pas si cher. Et représenté, de « Monsieur René » à « Monsieur Marino », par d’infrangibles vestales qui connaissent tout le monde et le théâtre de la vie.
Rôtisserie Le Central restaurant Dijon
3 place Grangier, Dijon - Tél. 03 80 30 44 00
Carte : 40 € Menus : 22,50 € - 26,50 € -27 €.
La première neige, la plaine qui grisoie comme un tableau de Corot. La belle façade à colombages, la vigne vierge. La porte qui s’ouvre sur le foyer crépitant, double : d’un côté la cheminée, de l’autre le grill, la lèchefrite, le pot à sel…Et les vieux bois qui rutilent, les lampes à pétrole, les stalles… une perfection de décor sorti d’une dictée d’école ou d’un conte d’enfance, on s’attend à voir surgir Simplet et Grincheux la hache sur l’épaule. Le menu aussi est un cahier d’écolier ; voici l’endroit parfait pour une vraie terrine, un boudin, une tarte aux pommes, une pinte de vin joyeux. Las, la terrine sort du frigo et la tarte a mal vécu la guerre de Crimée. Hayi Hayo marmonne Grincheux, ça c’est pas du boulot. Mais les viandes sont bonnes, le vin aussi, et c’est très généreux, réplique Simplet. C’est vrai et c’est vraiment joli concède Grincheux, face au soir qui noircit comme un tableau de Soulages, mais t’es sûr que Blanche Neige s’est pas trompée dans l’addition ? Toi tu changeras jamais, conclut Simplet remontant dans sa citrouille.
La Quatr’heurie restaurant à Bèze
Bèze, 21310 - Tél. : 03 80 75 30 13
Carte : 40 € - Menus : de 15 (semaine) à 52 €
Clikidiclop. On croirait entendre le pas des chevaux sur les pavés de la cour. Cet ancien relais de poste à peu près préservé, avec ses pierres patinées et sa cheminée monumentale est un grill à la fois historique et moderne. Tout ou presque passe par la cheminée, grillades, brochettes, papillotes. Avec des sauces simples, servies à part, des cuissons exactes et des formules raisonnablement tarifées, surtout à midi où règnent les assiettes composées pour travailleurs pressés. Tout ça bien pensé et sincère. Que le poisson soit surgelé, on vous le dit, même si on pourrait ne pas s’en apercevoir. Comme de plus, la cave est bien ciblée, Bourgogne ou non, le succès est constant (il vaut mieux retenir) et c’est normal. A ces prix, c’est une sorte d’accomplissement du genre.
Le Sauvage restaurant Dijon
64 rue Monge, Dijon - Tél. 03 80 41 17 33
Carte : 35 € Menus : 16 - 19 - 25 €.
L’authentique ici est vrai. Moulin, bief rêveur, vieilles pierres, décor charmant. En semaine, il vaut mieux s’annoncer, c’est silence et bien-être. L’hiver scintille, la cheminée crépite, mais seulement pour l’agrément du client. Le vrai centre de la maison, c’est le canard, provenance sud-ouest via Prenois, accommodé sous toutes ses formes. Et ce canard est bon, respecté, sobrement illustré en cuisine : foie gras, confits, magrets. Pas de chichis ; un ptit décor, une pincée de sel, une sauce comme chez soi et pas envahissante. Reconnaissez que par les temps qui clopinent, semblables plaisirs de canard ne sont pas choses courantes. J’en ai connu de pires, car il n’est bon magret que de canard mulard. Demandez au patron. Ou ne lui demandez pas, il vous le dira de toutes façons. Demandons lui simplement un effort sur la cave.
Le Moulin Aux Canards restaurant
Aubigny en Plaine - Tél : 03 80 29 98 40.
Carte : 35 €
C’est quand même le prototype du genre, un concept en forme d’épure : le feu, la viande, la chaumine façon Schtroumpf. Au début, le toit de chaume faisait partie de la panoplie mais le feu n’a pas que des avantages. Depuis, en dépit de maints rachats, le concept n’a pas tellement évolué, hors l’inévitable ouverture vers le terroir. Points forts : des tarifs abordables, l’attention portée aux enfants et l’extrême fonctionnalité ;
on peut s’y nourrir à toute heure, en moins d’une heure. Le jeune service aussi est très bien et la courte cave pas bête, du nord au sud. Le problème, c’est que les cuissons sont moins précises, forcément, sans un vrai grillardin au coin de la cheminée, et que côté viande, c’est un peu la loterie. Ma dernière entrecôte aurait plu à Coluche : il y en avait plus à la fin qu’au début ; mais l’onglet de mon voisin était mieux que correct. Dans le genre expédié, finalement, c’est plutôt honorable quoique radicalement dépourvu de romantisme, malgré le feu.
Grill Courtepaille restaurant Fixin
RN 74, 21220 Fixin
Tél. 03 80 52 46 00
Carte : 26 € - Formules de 9,80 à 19,80 €