Eté 2013
N°55Le mag dont vous êtes les auteurs
Claudine Vincenot au Petit Ryad, rue des Godrans, à Dijon.
Un voyage dans le temps et l’espace…
Que diriez-vous d’une balade marocaine ? À Azilal, pour être précis. En plein haut-Atlas, là où la terre est rouge d’ocre, le ciel bleu de cobalt. Et les Berbères, fiers de l’être.
Brahim est né là-bas, en tribu amazighe. Et, de son pays natal, il a rapporté épices et senteurs, tagines et douceurs pour son “Petit Riad”, rue des Godrans. Dans une cuisine familiale, où les recettes arrivent tout droit des femmes de sa tribu, aït, en dialecte tamazight, Brahim propose couscous de maman, tagines d’agneau aux fruits secs et effluves de coriandre, kamoun, ras-el-hanout, zinzlane… Puis un thé à la menthe haut en saveurs, des pâtisseries maison aux amandes et à la fleur d’oranger que nous offre Nadia, l’amie marocaine dont le père connut le mien. Ivresse qui me transporte dans mon Maroc fraternel et superbe, et tant aimé après une vie de quinze ans sur ses terres : bonjour, ma nostalgie ! Tout cela dans un décor sobre, de bois et de poteries couleur d’argile, loin des arabesques aux couleurs vives que l’on croit, à tort, être la signature des intérieurs berbères. Il y manque, bien sûr, ce jardin clos – riad en marocain dialectal - mais la terrasse invite à un moment de sérénité dans une rue des Godrans maintenant apaisée. B’sahatkoum ou t’barak’Allallah ! : À votre santé et que Dieu vous bénisse !
Puisque nous sommes au Maroc, restons-y encore un peu : je vous parle ici du monastère cistercien de Notre-Dame de l’Atlas, toujours fidèle au Maghreb et très aimé de la population musulmane. Là où fut tournée une partie d’un film avec Lambert Wilson et Michael Lonsdale que vous avez du voir. Là où s’est réfugié ce “petit reste de Tibighine” de douloureuse mémoire, mémoire qui n’est pas étrangère non plus à nos moines bourguignons de Citeaux…
Quelle drôle d’idée ! Mais non ! Les deux mots désignent la même chose : le riyad, en arabe, (par opposition à jnan, le jardin ouvert, et à agdal, le verger) c’est le lieu caché, le jardin très intime entouré des pièces à vivre, toutes ouvertes sur cet enclos secret, avec, souvent, fontaine au cœur et séguias en croix qui donnent vie aux fleurs simples en joli désordre. Bas bruit de l’eau parcimonieuse, roucoulements très doux de quelques tourterelles. Le seul regard possible vers l’ailleurs est celui qui s’élève au ciel, carré d’azur intense découpé dans l’infini du temps africain. Une solitude, en lien avec des pensées élevées au-dessus de la cacophonie des hommes… Mais en plein cœur de médina, pourtant. Un cocon, familial, tribal (la famille marocaine recouvre plusieurs générations vivant ensemble), mais pas une réclusion .Une planche d’envol pour les âmes et les cœurs, pour le lâcher-prise et le ressourcement : soyons tendance !
Et le cloître ? Eh bien c’est cet hortus conclusus du “Cantique des Cantiques” où repos, quiétude, rêverie, installent l’échange entre le jardin secret de l’âme et le plus haut des cieux… Alors, c’est une balade à Cîteaux, que je vous propose maintenant : passez-y deux jours en pleine forêt, dans la sérénité souriante d’une hôtellerie monastique. On s’y “repose” sans penser à mal ! Tout d’ailleurs n’est là que pour apaiser l’esprit et recharger l’énergie du corps : Les larges pâtures à l’herbe grasse, la ferme aux senteurs d’enfance retrouvée, la fromagerie aux fameux fromages, les ateliers artisanaux, la ferveur toute calme des moines au labeur réconcilient avec la vie et lui donnent un nouveau souffle… s’il en est besoin !
Enfin, et pour conclure dans la toute belle simplicité des choses, je vous propose un petit déjeuner marocain : sollicitez votre imagination ! Vous êtes, un beau matin, dans la vallée de l’Ourika, au sud de Marrakech, chez un hôte berbère de rencontre. Lui et vous, assis en tailleur sur la terre battue de la terrasse. Nonchalants. La femme aux mains dessinées d’indigo sort du kanoun une kesra fumante, ce pain peu levé en forme de miche plate. Elle en rompt un morceau qu’elle vous tend avec son sourire de femme accorte et heureuse - en effet, le pain ne se coupe pas, il se rompt, nous l’avons oublié (ignorants que nous sommes devenus). Dans une soucoupe de terre cuite, elle verse huile d’olive de la maison, et le miel liquide des ruches proches : des trois doigts de la main droite, vous trempez là votre pain et vous dégustez… De votre main gauche, vous prenez avec élégance le verre de thé à la chiba (armoise, qui, dans le djebel, remplace souvent la menthe) : vous buvez à petites aspirations brûlantes et bruyantes, pour oxygéner… Avec délicatesse, sans précipitation, vous savourez cette frugalité exquise. Vous restez là, en silence, le regard perdu au loin dans l’éveil des êtres et des choses au soleil rose du levant. Et c’est alors, croyez-moi, l’émerveillement inoubliable de la toute Première Aurore du Monde…
■ Claudine Vincenot
"Le Maroc de Vincenot Père et Fille…"
bientôt en librairie ?
Ho mon beau Titus le dernier livre de Claudine Vincenot.