Hiver 2017-2018
N°73
Jérôme Brochot rend son étoile à Montceau-les-Mines. Une étoile qu’il avait gagnée il y a douze ans. La faute, dit-il, à un environnement économique peu favorable : « la semaine c’est très calme, le soir c’est désert ! ». Rien de neuf sous le soleil, ou sous la grisaille. Il fait partie des victimes (consentantes) du Michelin et surtout de la folie galopante entourant le métier de cuisinier depuis quelques années.
Fabrice Lucchini, acteur de parole, était tombé en amour de la cuisine de Jérôme Brochot alors qu’il était en tournée, et l’avait sorti de l’anonymat, soutenant la transformation de ce petit hôtel de centre ville en une adresse aux couleurs pétantes et aux prix déjà très hauts pour le pays. Découvrir son hôtel-restaurant un soir d’été orageux, sur fond de ville endormie, m’avait surpris. Il n’a pas été le seul à rendre son étoile depuis dix ou quinze ans. D’autres l’ont fait, qui en avaient assez de jouer dans la cour des grands sans avoir les moyens de tenir la distance, financièrement ou intellectuellement. Revenons sur terre et donc au cœur de la Bourgogne, pays où on est censé ne pas se laisser abattre par l’adversité.
Jérôme Brochot ne baissera donc pas les bras mais les prix. Souhaitons lui de réussir à Montceau sa reconversion, comme ce fut le cas pour ses prédécesseurs, à commencer par un certain David Zuddas, à Dijon, qui continue de faire son métier, au jour le jour, dans sa cuisine ouverte sur la salle. Pour ceux qui l’ignoreraient encore, signalons que le bistrot « Les Impressionnistes » ouvert à quelques mètres de DZ par le même Jérôme Brochot n’a jamais vraiment réussi sa percée médiatique, pour des raisons qui ne tiennent pas forcément à l’absence d’un chef censé passé plus de temps à Montceau qu’à Dijon.
On sera curieux de lire le futur Guide Michelin (même si sa lecture en elle-même n’est jamais très fatiguante). Car il devrait y avoir du changement en Bourgogne. D’autres étoiles filantes devraient faire parler de Dijon, notamment.
Un étoilé japonais qu’on aime beaucoup (Keigo Kimura, L’Aspérule, à Auxerre) qui n’a pas eu à se poser la question de rendre ou non son étoile puisqu’il a annoncé depuis six mois qu’il s’installait à Dijon en avril 2018, un autre étoilé, le plus jeune de France, qui quitte Les Cariatides à Dijon pour se mettre à son compte… Angelo Ferrigno a juste envie de se libérer du poids de cette étoile pour revenir à une cuisine plus simple, avec une équipe réduite, dans un cadre moins prestigieux, moins « en vue ». Et on se pose des questions sur l’avenir d’autres tables, en Bourgogne, qui bénéficient d’étoiles susceptibles de filer à leur tour.
Certains chefs ont tout compris, comme Nicolas Isnard (La Charme, à Prenois) ou Laurent Peugeot (Le Charlemagne, à Pernand-Vergelesses), qui ont passé ces dernières années plusieurs semaines en Asie ou ailleurs à préparer les cartes de restaurants où leur nom reste gage de qualité. Mais de nouvelles pistes s’ouvrent à eux, qui n’auraient pas déplu à Bernard Loiseau, qui détestait l’avion… Laurent Peugeot, qui fut longtemps le plus bouillant des chefs étoilés du pays beaunois, a choisi cet hiver de créer une table d’hôtes de haute volée en Savoie, dans un palace. L’or blanc va-t-il attirer désormais plus de restaurateurs que l’or jaune ? Vivement que la neige revienne dans le Morvan. Loiseau des Sens sera peut-être la table à suivre, et à découvrir, entre un SPA et une balade dans la neige.
Dans les vignes, c’est une autre table d’hôtes qui crée l’événement cet hiver, celle que Thomas Collomb a créée à son image, dans les murs de la vieille Rôtisserie du Chambertin, institution du passé où l’on descendait autrefois au son des « Joyeux enfants de la Bourgogne » devenue une halte dans l’air du temps. On vous présente dans ces pages cet « éleveur de chefs » qui, après avoir lancé Angelo Ferrigno aux Cariatides, retrouve l’envie de cuisiner devant ses hôtes, découpant, commentant, selon l’envie… tout en surveillant la nouvelle « chef » appelée à remplacer Angelo aux fourneaux des Cariatides, Céline Dedinger.
Une des nouvelles figures de femmes-chefs à découvrir en Bourgogne, cet hiver. Et qu’on vous présente dans les pages suivantes, parmi les nouveautés du moment…. ■ GB