56
Magazine Dijon

Automne 2013

 N°56
 
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04

Gérard Bouchu

Ragots de mouton

Vous avez remarqué ? On trouve partout de la blanquette de veau ou du bœuf bourguignon, sortis bien souvent de chez Métro, ce qui désespère les défenseurs de la cuisine de nos mères, voire de nos grand-mères, mais pas ceux qui ouvrent à tout va de nouvelles enseignes dans nos villes et même à la périphérie.
Où va-t-il falloir aller pour savourer un bon plat du jour, un de ces ragoûts qui faisaient le bonheur des déjeuners en famille, autrefois ? Des dizaines de restos nouveaux sortent de terre, chaque saison, qui ne risquent pas de participer au rêve de Cité de la Gastronomie idéale que certains voudraient voir naître ici en 2017 !
Heureusement, pour dix restos de perdus pour la cause gastronomique, un de retrouvé, faisant dans le frais, le vrai, le naturel. Voici le résultat de notre quête de ce début d’automne, non exclusif. Avec quelques bruits de casseroles en plus : le mouton, les ragôts, il adore.
Et puisque cet automne la Toison d’Or ouvre ses portes sur tout un monde nouveau riche en saveurs nouvelles (on peut l’espérer du moins !), pour illustrer notre mise en bouche, c’était que du bonheur !


Ragots de mouton

Ne sombrons pas dans le pessimisme. Je discutais avec une de mes voisines, dont le mari a du aller travailler, pour survivre, dans un des espaces de restauration créés pour nourrir les travailleurs à la périphérie. Elle certifiait qu’il n’y aurait bientôt plus, au centre ville, que des bars à vin, des bistrots lounge et des enseignes changeant au gré du portefeuille des investisseurs, entourant des étoilés solitaires et quelques tables méritantes. Bigre !

La faute à qui ? Au tram, qui amène aux portes même de la Toison d’Or des milliers de clients attirés par ce temple de la consommation ? Aux milliers d’emplacements libérés pour les automobilistes attirés vers ce lieu mythique où il fera bon vivre, marcher, manger, acheter par tous les temps ?

Des moutons ? Beee non, pas forcément... Même si tout nous ramène à eux dès qu’on évoque Jason et la Toison d’Or. Une histoire qui ne date pas d’hier, ni même du temps des Ducs, qui ont donné son nom à leur collier porte-bonheur. Triste histoire d’un prince qui, pour se sortir des embrouilles, promettait n’importe quoi et fit un enfant dans le dos à celle qui lui avait permis de rapporter la toison d’un bélier mythique gardé par un dragon. Et oui, la Toison d’Or, c’est qu’une peau de bête, mais on n’est pas là pour revenir sur tous les moutons de l’Histoire... Pensons plutôt à nous.

Le nouveau mythe de la Toison d’Or

Vous vous voyez, vous, passer votre vie dans un centre commercial, fût-il de la nouvelle génération ? C’était bon il y a 25 ans, mais aujourd’hui, la plupart des villes d’Europe ont déjà donné l’exemple : on peut imaginer un centre ancien qui revivrait, sans voitures, grâce au tram, au vélo, aux piétons, et surtout grâce à des commerçants ne manquant pas d’idée pour attirer une clientèle qui attend qu’on les lui change, les idées. Et surtout qu’on lui redonne le goût de vivre les bons petits instants de la vie.
À l’Industrie, bistrot fréquenté par les grands et les petits de ce monde, on a eu droit, récemment, à une langue de veau-purée maison mémorable. Sur la nouvelle carte du Bistrot République, on a vu réapparaître les tripes et les plats de chasseur, tandis que son voisin, La Bourgogne, ressortait la choucroute à l’ancienne, etc, etc. Pour y aller, il y a le tram. Et si la municipalité voulait bien évacuer les centaines de voitures ventouse des rues avoisinantes, il y aurait de la place aux heures des repas pour ceux qui veulent s’arrêter là deux heures. Enfin et surtout, il y a la marche à pied.
La marche, en ville, c’est sain, il y a de la vie, des vitrines à découvrir, des gens à voir, à chaque instant. Il devrait, du moins. C’est sûr, ce n’est pas notre pauvre rue de la Liberté, avec son MacDo et ses quelques enseignes de restauration rapide qui peut renverser la vapeur, ni la rue du Bourg et ses voisines, que les métiers de bouche ont déserté, certains gros requins de l’immobilier ayant fait fuir les derniers résistants. Quoique...

La résistance s’organise...

Regardez ce qui se passe autour des places de la ville. Ici ou là, on voit renaître l’espoir, ne serait-ce que par la présence d’une ou deux adresses essayant d’offrir du frais, du sain, du bon...
On aurait bien aimé voir les patronnes des Pieds Bleus et de la Causerie des Mondes s’allier pour faire de la cantine des Ducs, cour de Bar, une adresse digne des restos de musée qu’on trouve à Stockholm, Vienne ou même Berlin, où l’on aurait pu manger bien, sain, simple. Projet mal ficelé, laissé au main de fonctionnaires peu intéressés par le contenu, il a vu fuir tous les chefs qui auraient pu le sauver. La Cour des Ducs, pour l’heure, c’est La Bérésina. L’ouverture de la restauration est repoussée de semaine en semaine.
« Les Pieds Bleus », c’est fini, bienvenue à Treize Lucioles, un resto qui va essayer de faire bio et bon, place Emile Zola. Comme quoi, tout espoir n’est jamais perdu, même avec Zola !
Qui a eu l’idée idiote d’empêcher un restaurateur de talent, ou même un pâtissier connu, d’installer des terrasses rue de la Lib ? L’Édito, ex-Imprimerie, la brasserie de la place Darcy cartonne, mais un vrai resto, avec terrasse, on aurait aimé en trouver un, entre un Arc qui a le triomphe modeste et un Bareuzai qui ne se sent plus pisser, et pour cause.
C’est autour de la place de la République, la pauvrette, qui continue de subir les erreurs de ses concepteurs, que la résistance s’organise le mieux : de vraies tables, de vraies brasseries. Place de la Lib aussi, on annonce du changement.

Le grand retour des chefs, en cuisine comme à la foire

L’annonce de la future Cité de la Gastronomie a servi de détonateur, quoique le mot soit un peu fort. On n’en est encore qu’au frémissement. Les chefs pointent le nez hors de leur cuisine (preuve qu’ils y sont) pour partir non pas faire les cakes (et les escargots !) deux ou trois fois par an à Hong-Kong, Mexico, New-York ou Singapour, mais pour organiser des fêtes du goût pour tous. Comme il l’ont fait en septembre à l’Arquebuse, avec succès, malgré un temps incertain. Pour ce genre de festival, mieux vaudrait choisir la fin juin, ou plutôt le début juillet, une date autour du 4-14 par exemple…
Stéphane Derbord semble avoir réussi à les fédérer dans un nouveau Club, toutes générations confondues, et l’on va en retrouver certains lors de la Foire Gastronomique, au Salon des Saveurs. Un lieu improbable, où l’on se demande comment ils arrivent à sortir des plats de qualité, dans leur cuisine de campagne installée côté couloirs...
Mais c’est un autre signe d’espoir dans l’avenir, on va peut-être enfin pouvoir les faire travailler autour de projets communs, ou plutôt sortant du commun. Et à Dijon, pas à Beaune.

Beaune-Dijon : JTMNP, nouvelle saison

Après Beaune, c’est Dijon que Dominique Loiseau a choisi pour implanter son nouveau resto. D’autres vont suivre, à commencer par des entrepreneurs connus internationalement, comme la moutarderie Fallot, qui ouvrirait une boutique en fin d’année rue de la Chouette. La meilleure moutarde de Dijon ne sera plus seulement beaunoise !
Beaune et la côte voient aussi des changements s’opérer, en douceur. Qu’un grand chef comme Roland Chanliaud change de vie, mais pas de ville, est une bonne chose. Il a quitté « Le Jardin des Remparts » pour un bar à vin où il a retrouvé le sourire, et nous aussi. D’autres, dans les mois à venir, projettent de transformer leur table dite gastronomique en bistrot chic, gardant juste un coin pour les amateurs de prix choc et de saveurs plus fines. Comme au Castel de Très Girard, qui devrait changer de visage en même temps que la Rôtisserie du Chambertin, au printemps.
Les rumeurs vont bon train. Le Quéant, jeune chef qu’on avait découvert à Loiseau des Vignes, s’installerait place Carnot. Tandis qu’un nouveau chef au Montrachet a déjà remplacé celui qui avait permis à l’établissement d’obtenir son étoile l’an passé. Que fera le nouveau chef du Chassagne de son côté ? On vous dit tout, dans les pages qui suivent.
Pendant ce temps, sur la route des vins, certains se frottent les mains, à Fixin (Au Clos Napoléon), ayant su depuis le départ choisir la sagesse, la gentillesse et la finesse plutôt que le côté pince-fesse.

Le nouveau chassé-croisé des vacances

Quant au traditionnel grand chassé-croisé des vacances, il évolue ! Des départs que ce gros bêta de Bison Fûté n’avait pas prévu en fait. Car il s’agit des restos vacants, ou d’entreprises qui tournent la page. Laurent Peugeot continuera-t-il de faire des allers-retours entre Beaune et Singapour, ou finira-t-il par succomber, comme nombre de ses collègues étoilés cette année, au chant des sirènes asiatiques ? Plutôt que de se démener pour maintenir à flot un paquebot qui tangue sur un océan de vignes pourtant prestigieuses, il aura peut-être envie de partir lui aussi vers une autre vie...
Les Cassandre (pour rester dans la mythologie grecque, après Jason et sa peau de bélier qui chocotte !) prédisent régulièrement le départ des chefs de talent. Après Laurent Peugeot (Le Charlemagne) en Asie, certains voient déjà David Zuddas (D’Zenvies) au Maroc, et Thomas Collomb (Les Cariatides) aux USA. Des restos qui ne désemplissent pas, pour l’instant, en fait...
Ainsi va la vie, en cet automne qu’on nous promet une nouvelle fois de tous les dangers, avec l’ouverture d’une Toison d’Or où quelques restaurateurs du centre-ville vont aller s’implanter, tandis que d’autres lorgnent plutôt sur Valmy et l’arrivée de la future LINO.
Le Dijon nouveau est arrivé. En attendant qu’on y replante des vignes, certains se demandent déjà : qui va trinquer ? Soyons optimistes, Dijon ne va pas se laisser bouffer toute crue, elle a sa réputation gastronomique à défendre. Allez, à la tienne, ma belle Dijon !

■ Gérard Bouchu


 
 

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