Hiver 2014 2015
N°61On vit dans le plus beau pays du monde, le plus visité, le plus admiré, etc, etc... et donc, ce serait bien si on pouvait faire un peu moins la gueule, sur les photos, les films que des milliers de touristes ont dû encore ramener chez eux en cette fin d’année.
Où est passé le Bourguignon content de lui, de sa table, de sa vie, de sa vigne ? À Beaune et sur la côte, on en rencontre encore, une fois les vendanges passées. Mais ces drôles d’oiseaux vont devenir aussi rares que les vieilles Bigoudènes en Bretagne.
À Dijon, va falloir s’habituer à côtoyer les touristes, comme à Beaune. Et montrer qu’on sait vivre. Avec ou sans eux, d’ailleurs. Surtout si on veut empêcher la rue principale de la ville de passer aux actus nationales comme celle de Belfort, où on a vu un magasin sur deux fermé : plutôt flippant !
Les illuminations de fin d’année devraient nous aider à ressortir, le vin chaud aussi. Entre deux manifs, entre deux soupirs de commerçants, la vie continue. On a beau être taxé, surtaxé, révolté, fatigué, ce n’est pas encore à Lisbonne, Marrakech ou Londres qu’on trouvera des quartiers entiers d’expats dijonnais. On résiste plutôt bien, faut croire que le Bourguignon, en dehors de certains séjours au Club Med, craint par dessus tout les coups de soleil et les moustiques.
Nouveau coup de chapeau, dans ce dernier numéro de l’année, à ceux qui font tout pour qu’on soit un peu plus heureux, ensemble. Aimer l’humour, un peu, beaucoup, à la folie, ça vaut mieux que ne pas aimer du tout. Vivez joyeux, disait Rabelais, qui n’avait pas la télé pour lui foutre le moral à plat.
On nous prend pour des truffes (les politiques, surtout !), et alors ? Vive la truffe de Bourgogne, même si son marché n’atteint pas encore la réputation de ceux du sud. Vive Dijon, nouvelle cité de la vigne et du vin ! Et oui, tout change. L’heure est à la confusion autant qu’aux effusions. Vivent les nouvelles stations de ski, les soirées dans les chalets jurassiens de la Grande Bourgogne, car on va faire comme les Bretons, les Alsacos, les Basques, nous vendre sans œillères, sans frontières, maintenant qu’on a les Franc-Comtois à nos côtés.
Même plus besoin d’une ambassade de la Bourgogne, quoique...
Il manque, rue de la Liberté, un magasin qui vendrait des tee-shirts, des bières bourguignonnes, des attrape-touristes chics et made in Burgundy, des livres qui feraient rire le monde de nos petits travers, des guides originaux qui feraient rêver de nos chemins de traverse. On finira par vous en proposer un pour vous amuser, avec nos coins gourmands cachés, nos bars à vin interdits aux caves, nos ateliers d’artisans hors du temps, nos tronches préférées.
On a de tout, à Dijon, et on ne se rend pas compte de notre bonheur. Des créateurs, des amateurs, des repreneurs, des entreprenants, des résistants, des rêveurs éveillés aussi.
Rêver plus loin, plus fort, aussi. Avec un collectif qui rendrait son âme d’enfant à la ville au cœur de pierre. Et pourquoi ne pas imaginer un parcours enchanteur de sculptures contemporaines à travers notre nouvelle capitale de l’art ? Non, BB ne se paye pas la tête des Dijonnais, même si, avec les photos d’Alexis Doré, c’est vous qu’on regardera bientôt autrement.
On est allé voir tous ceux qui détiennent les secrets qui nous feront passer un hiver pas si terrible qu’on peut l’imaginer, vu des Antilles ou de la Réunion, quand nos Dijonnais expatriés nous regardent aux actus. À défaut de la recette du bonheur universel, on a trouvé des chefs qui vont nous préparer des petits plats d’ici avec des goûts d’ailleurs, des amoureux des livres qui nous délivrent leur petite leçon de vie, des acteurs du quotidien qui ont trouvé le moyen d’afficher une nouvelle enseigne, d’animer une nouvelle vitrine.
On a même trouvé des philosophes qui vont nous expliquer, dans ces pages, comment aller « de mal en happy » : c’est pas parce qu’on vit plus mal qu’il faut bouffer moins bien, notamment. Comme dirait mon chien préféré : « You know what ? I’m happy ! »