68
Magazine Dijon

Octobre 2016

 N°68
 
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03

Men in the city - à table

Patrice Gillard Tout voir, tout entendre et ne rien dire

Patrice, on l’a toujours vu sourire. Non seulement à cause des âneries qu’on racontait (sur la vie politique ou gastronomique de la cité) mais parce qu’il était sincérement heureux de nous voir arriver. Depuis 20 ans, c’est bien le seul.


Patrice Gillard

Et vous ? Soyez honnête ! Vous en connaissez beaucoup, des sommeliers qui ont l’air vraiment content de vous voir passer la porte, non pas à cause des billets que vous allez laisser, ou de la cuvée maison qu’ils vont pouvoir vous fourguer, mais tout simplement parce que le moment que vous allez passer en sa compagnie, dans « son » restaurant, doit être important pour chacun. Le sourire de Patrice, ce n’est pas celui d’une Joconde un peu pincée, ni d’un sommelier de 20 ans sorti tout juste de l’école et qui joue les vieux connaisseurs. Le sien, c’est un vrai sourire de petit garçon, encore étonné devant un monde qu’il a bien servi, depuis 40 ans, au point qu’il a lâché le mot « retraite », cet été, à voix basse. Les temps changent, très vite. Et il n’aurait pas aimé voir le Pré-aux-Clercs dans d’autres mains que celles de « Monsieur et Madame Billoux » tant qu’il était encore là au quotidien. Demain, tout sera possible.

Le « sommelier » des Billoux !

Patrice Gillard reste pour les Dijonnais le « sommelier des Billoux », avec qui il a été marié pendant plus de 40 ans. Non, ne vous mettez pas à pleurer, ça ne l’a pas empêché d’avoir une vie à lui, une femme, des enfants, qui n’ont pas dû le voir beaucoup, parfois, car son boulot, c’est bête à dire, mais c’était et c’est toujours sa vie.
La retraite, oui, et alors ? Il ne va pas ouvrir une boutique. Les blaireaux, il a eu son compte. Vous imaginez, depuis 1975, la vie de cet ancien enfant de l’assistance, qui a assisté à toutes les grandes réunions politiques, économiques, caritatives, familiales de la ville ? Digoin, d’abord. Dijon, ensuite.
Tout voir, tout entendre, et ne jamais rien dire, mais sourire, oui, toujours sourire. Sa devise, même s’il n’en a jamais vraiment eu conscience.
Il voulait être prof de gym, preuve d’un bon équilibre pour un petit parisien qui s’était trouvé une première famille adoptive à Bourbon-Lancy, avant de découvrir les Billoux. JP et MF, pour les intimes, un couple étonnant qui allait lui permettre de voir du monde, sinon le monde, car ils ne sont pas allés bien loin, tout en montant très haut. Un macaron en 73, deux en 76, avant le départ pour la capitale (celle des Ducs). Après il y a eu les voyages à l’étranger, pour accompagner des pleurants ou des ravis du moment, mais ça c’est une autre histoire.

40 ans et plus sans montrer les dents !

On s’amuse à l’entendre donner toujours du « monsieur » et du « madame » au couple en place le plus incroyable de la restauration bourguignonne, qu’il a suivi sans mot dire des années 70 aux années 2010. De la rénovation du vieil hôtel de Digoin, ville du Charolais qui n’avait déjà rien d’hilarant à l’époque, à La Cloche, où l’équipe a atterri dans les caves, lorsque la crise dans le Charolais a poussé Jean-Pierre Billoux à tenter sa chance à Dijon. La Cloche, qui n’était pas encore (ou déjà plus) un palace, mais restait une belle adresse pour les voyageurs, a transformé leur vie. Patrice, l’homme de la salle, qui s’était mis à la dégustation et à l’apprentissage du vin par envie autant que par devoir, s’est retrouvé du jour au lendemain à la tête d’une équipe de dix personnes. Finie la vie de province bon enfant, l’heure est à une cuisine et une vie nouvelles, dans les étoiles, certes, mais les pieds sur terre, heureusement.
2 macarons en 1976, la grande vie. 20 ans plus tard, la récession, le loyer trop fort, l’envie de changer d’air donne à la tribu un nouvel objectif, toujours sur Dijon : le Pré-aux-Clercs est en liquidation, et cet ancien « nid à chouettes » pour reprendre le langage coloré de sa chère patronne devient pour 20 ans encore une table hors du temps qu’on a vu évoluer, curieusement, avec son temps.

Pas de retraite pour les hommes du vin

Les plats, les hommes ont changé, en salle comme en cuisine, pas lui. Fidèle, il est resté fidèle. À une certaine image du métier, de la vie. Sur cette place de la Libération qui peut souvent paraître si froide, quand le soleil se cache, il a donné un peu de sa chaleur humaine. Bien peu pourraient en dire autant.
Patrice a été au départ de l’association des sommeliers de Bourgogne, en 1986. Trente ans qu’il fêtera cette année, fin novembre, au château de Meursault, en compagnie des anciens et des sommeliers issus des écoles et des grandes maisons qui ont depuis essaimé un peu partout dans le monde.
Un sommelier ne touche pas au ménage, à l’assiette, a-t-on appris à la nouvelle génération. Balivernes, sourit Patrice : « si j’avais fait ça, ils m’auraient mis depuis longtemps à la porte, les Billoux ».
Parti de rien, à l’écoute de tout, il continuera de sourire en essayant de comprendre le monde. Celui du vin, surtout, ce qui n’est pas rien. ■ GB


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