63
Magazine Dijon

été 2015

 N°63
 
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02

Bourgogne Franche-Comté

Moi, maire rural de BFC La chronique du mégalo

BFC c’est pas un club de foot, imbécile, nan, c’est pas non plus un BMC (demandez aux anciens ce que c’est si vous êtes trop jeune pour être cultivé), ça veut juste dire Bourgogne Franche-Comté, va falloir vous y faire.


BFC (Bourgogne Franche-Comté)

Moi, je suis la base dans la pyramide politique, je suis comme on dit « le Premier Edile d’une Commune Rurale », en bon français, on dit Maire d’un trou paumé. Pis, j’peux dire que c’est pas des vacances, pour continuer à faire tourner la commune, c’est simple, il faut être un stratège, penser à la maintenance des infrastructures, développer l’activité économique, étoffer l’offre touristique et culturelle tout en rendant la commune attractive.

Ben moi, c’est bien simple, je fais tout ça, et j’te prie de croire que c’est pas pour autant que ça dérape niveau budget, je les ai anticipées, moi, les baisses de dotation aux collectivités locales. C’est bien simple, j’ai commencé par un grand plan social avec non remplacement du départ en retraite de l’employé municipal qui était à mi-temps. Du coup, avec le temps libre que j’ai maintenant que je n’ai plus à faire sa fiche de paye ni à lui indiquer ce qu’il doit faire, j’ai repris l’activité de maintenance des infrastructures, c’est moi qui ai regoudronné la route, tout seul, avec ma femme et ma brouette. Mais à la fin elle était tout usée, toute salie, heureusement que ma brouette, elle a tenu le coup.

Pour développer l’activité économique, on a rouvert l’épicerie-buvette-tabac-presse-dépôt de pain-cartes de pêche-motoculture-cartes postales-souvenirs-station essence. Le problème, c’est qu’on n’a trouvé personne pour la tenir, alors ni une ni deux, j’ai mis ma femme dedans, elle le fait à mi-temps entre 7h et 18h, et moi je fais la fin de la journée entre 18h et 23h. Manque de pot, on a eu un contrôle de l’inspection du travail, ma femme était pas déclarée vu qu’elle est bénévole, ils y ont pas cru, on a eu un PV et on passe devant le tribunal, on a dû fermer !

Pour l’offre touristique et culturelle, on ouvre un cinéma avec une séance les vendredi et samedi, ma femme vend les Mikos à l’entracte, moi je passe le film. Ça, ça marchait du feu de Dieu, manque de pot on a eu un contrôle de la commission préfectorale, on peut pas utiliser la salle des fêtes, les portes sont pas assez larges (manque 6 cm) en cas d’évacuation, on a été obligé d’arrêter.
Du coup le problème, c’est pas d’être réélu, bientôt y’aura plus que ma femme et moi comme votants, c’est de trouver des votants, parce quand t’enlèves les enfants en bas âge (dans ma commune, le dernier enfant en bas âge est né en 1964), ceux qui vivent dans les maisons de retraite, reste ma femme, et moi. Du coup, je m’suis dit que pour trouver des sous pour la commune, le mieux c’est devenir Ministre.

Moi, j’suis déjà maire de ma commune, alors en attendant de devenir ministre, je crée tout seul l’Association des Maires de Communes Rurales de Bourgogne Franche-Comté, Libre, Indépendante, Gratuite, Laïque, Obligatoire, Citoyenne, et Républicaine des Territoires, plus simplement appelée l’AMCRBFCLIGLOCRT, que l’on pourra dans un souci de simplification nommer plus rapidement l’AMCRBFCLIGLO. Je suis le Président et ma femme est trésorière. « Je veu-zeu redonner-eu la paroleu aux territoires, notamment-teu ten portant-teu l’idée qu’il faut-teu t’être-eu en capacité de libérer l’action citoyenne, républicaine et éco responsable. » T’as vu ? A y est, j’cause le miniss, bon sang c’est la Pentecôte, le don des langues, j’cause le miniss, sans l’avoir appris ! Ca m’est v’nu tout seul, ça prouve que j’ai des dispositions non ?

Pour accéder à ce poste tant convoité (moi je prend tout comme ministère, l’Alaintérieur, les affaires étranges, les transports amoureux, l’égalité des tailles des sexes, le choc de simplification des fournitures administratives, les relations avec le paravent, porte-parole du gouffre vertement, la jeunesse et les porcs, le secrétariat des tas au chômage, celui des veaux sous la mère ou la délégation aux gratons et au fromage de tête), en tout cas il faut parler comme eux, c’est-à-dire comme personne ne parle en France, ni même dans la partie du Canada qui est persuadée de parler français (laissez-moi rire !).
Tiens c’est simple, y’a que les ministres et leurs ministères qui parlent comme ça.
Ainsi désignant par exemple un noir mal vêtu, la caillera dira : « Téma le keubla sapé comme un gros blédard, le fonbou ! ».

Alors que le ministre ou futur ministre dira :
« Cet-teu t’individu issu d’uneu minorité-eu visibleu est-teu t’à tout le moins victimeu de l’inégalité des territoires, et il est-teu du devoir de notre nation républicaine, citoyenne et éco-responsable (ne jamais dire la France !!!), en tant que membreueu de l’Union Européenne d’êtreu en capacité de tendreueu la main à ceteu t’homme, dans un élan républicain, citoyen et éco-responsable. »
En clair, filez-y des vêtements d’occase à c’locdu !
Dans ces deux cas, on rêve de claquer les bouches qui prononcent de telles fariboles, non ?

Du coup, moi, peinard, je monte tranquillement mon AMCRBPCLIGLOCRT, je révise mon parler, et dans deux ans, toujours tranquille, le graal, le repos total, MINISTRE, et que j’te construis une piscine, une crèche, une école, et je mets un hôtel, et des ronds-points, c’est bath ça des ronds-points. Ma femme je la nomme Directrice de la Comm.

Alors là, je dis n’importe quoi, mais ronflant, en faisant semblant de chercher mes mots, avec des liaisons zeu-de partout même si qu’elles t’existent pas, en prononçant-teu toujourzzz la dernièreu lettreu du mottteu, et surtout, le tout sur un ton grave et pénétré, ça donne l’air intelligent.

Le siège de ce futur think-tank que ne manquera pas de devenir l’AMCRBFCLIGLOCRT, tu peux être sûr ce sera pas Dijon ou Besançon, encore moins Dôle ou Belfort, oh que non, ni Montigny-sur-Cane, Foncine-le-Bas ou Tart-le-Haut.

Faut être sérieux, le seul endroit digne de ce nom pour une association des maires ruraux de Bourgogne Franche-Comté, c’est bien entendu Paris, et plein centre, pas loin de mon futur ministère… tout comme les grands j’te dis !

C’est ça la vraie décentralisation.


 
 

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