55
Magazine Dijon

Eté 2013

 N°55
 
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03

Le mag dont vous êtes les auteurs

Moi Président ! Je n’ai pas retrouvé Dijon dans l’état où je l’avais laissé en partant …


dijon rue-de-la-liberté dans les années 80
80’s - Rue de la Liberté

Je venais de renouveler mon abonnement de tennis à La Fleuriée, aussi avais-je besoin d’acheter une nouvelle raquette de tennis (j’hésitais entre la Wilson T 2000 et une Gauthier GO7), je me suis dit comme tout dijonnais qui se respecte, je vais passer voir chez Parauchadec, à la Hutte et chez Eduardo Argon.

Je devais tout d’abord honorer un rendez-vous devant les Modernes avec ma grand-mère qui devait aller acheter des gants au Pauvre Diable, et ensuite on irait manger une tarte aux myrtilles sur les tabourets orange du snack du dernier étage des Modernes, avec le tapis roulant sur lequel défilaient les commandes, ou alors au Glacier au milieu de ses copines, après qu’elle soit passée chez Chenevois pour acheter des épices.
Ensuite, je traverserai Oudebert pour aller boire un coup au Lion avec Jaja, le DJ de l’Embassy.

Ma mère m’avait demandé de passer chez Michelin qui est en face des Modernes (à côté de Racouchot) pour y prendre le vacherin au cassis qu’elle avait commandé pour le dessert. En y allant depuis le Lion, je suis passé chez Pelé essayer un jean, et comme c’était sur ma route du retour, j’en ai profité pour me diriger vers Sing Sing mais devant chez Houdart, je suis tombé sur le Frédo qui voulait que l’on aille boire un coup à La Concorde. Hélas, la glace ça fond et je sentais que le vacherin se liquéfiait, aussi je lui dis mon impossibilité de le suivre quand tout à coup … Contrôle des billets !

J’étais bel et bien dans le TGV qui me raccompagnait de Paris à Dijon et bel et bien en 2013, et surtout réveillé en sursaut par un contrôleur de la SNCF, trois excellentes raisons de se rendormir, sauf que le jovial contrôleur avait détruit cette tentative de récupération quelque part entre Montbard et Les Laumes, aussi, laissant vagabonder mon esprit par-delà ce wagon trop peuplé à mon goût et les jolies collines de l’Auxois, j’ai songé avec tristesse qu’aujourd’hui pour acheter une raquette de tennis au centre-ville, le choix est plus que restreint, les gens sont obligés de prendre la STRD, le 12 pour aller à Quetigny dans une grande surface sans âme ni vendeur. D’ailleurs, on ne peut même plus prendre le 12 ni acheter une magnifique carte 12 trajets orange-marron de la STRD, en revanche, mon pote Jérôme Cuccus se bat depuis la rue d’Auxonne pour ne pas se faire écraser par la grande distribution dans sa boutique Avantage Djé consacrée au tennis.

J’ai mis à profit les 2 minutes d’arrêt en gare de Dijon Ville pour descendre de ce train et rentrer chez moi, à pied bien sûr, vaguement méfiant face à ce nouveau venu qui a un peu la couleur des vacherins de chez Michelin de mon enfance, et dont parait-il toute la ville parle.

Evidemment, la ville n’est plus celle qu’elle était, les commerçants n’existent plus, ils ont été remplacés en grande partie par des succursales de grandes marques (plutôt grandes enseignes), alors qu’avant on pouvait mettre un nom sur chaque commerce, un visage ou une famille derrière chaque enseigne, règne aujourd’hui l’anonymat et la standardisation. Certes aujourd’hui la ville a des terrasses, des rues piétonnes en plus, de belles places, des touristes, des magasins de souvenirs (certains sont tout de même fermés les jours fériés, ces jours-là les touristes se reposent surement !), mais on a l’impression que Dijon est devenu une grande ville comme une autre, avec centre commercial situé en banlieue, et la litanie d’enseignes que l’on peut trouver dans chaque ville de plus de 100 000 habitants, (faites l’expérience, vous trouverez toujours les quelques rues ou se bousculent Afflelou, Princesse Tam-Tam, Comptoir des cotonniers, France Loisir, la FNAC, Maxi-livres, Sergent Major, Du pareil au même, Devred, Jules, …), quel ennui !
Puisque les villes ne sont plus que des répliques les unes des autres pour ce qui concerne leurs commerces, c’est autrement que nous devons les distinguer ?

Sauf qu’il y a quand même un Didier Chenu rue Guillaume Tell qui fait un jambon persillé de toute beauté, et qui vend de la vraie viande, il y a aussi Benoît Cassard chez Oscar qui vend des souliers, pas des godasses, des souliers ! Il y a aussi les commerçants des Halles qu’on ne pourrait pas remplacer, quelques boulangers qui méritent la queue qu’ils ont devant chez eux (rue Verrerie, avenue Eiffel, place du 30), quelques bistrots et restau, essayez de trouver un meilleur choix de vins que le Dr Wine, une meilleure terrasse que le B9, un meilleur accueil que le Déclic, un meilleur rapport qualité/prix que le DZenvies ou que la maison des Cariatides !

Que dire du professionnalisme proverbial de JP Meurdrat, qui tient un commerce de proximité dans lequel on entre plus rarement.

C’est en passant devant Saint-Bénigne pour rentrer chez moi que je me suis dit que Dijon ne manquait malgré tout pas de grand-chose, juste une ferme, un peu de vin, et une plage avec des vagues, pour le reste on se débrouillera.
Moi Président, je voudrais qu’il y ait une ferme à Dijon, pas forcément place Grangier, mais vraiment tout près de Dijon, un lieu de promenade, un endroit où on pourrait acheter le lait, des œufs et du beurre, voir des volailles en liberté des animaux bien élevés et des agriculteurs heureux qui ne fonctionnent plus comme dans les années soixante, mais qui ne pourront jamais nous nourrir à la manière dont le fantasme Cécile Duflot.

Moi Président, je voudrais qu’il y ait un vin à Dijon, donc aussi au moins un domaine viticole, qui fasse un Côte de Dijon ou un Coteau du dijonois (il y en a bien à Talant, et très bon en plus !), j’en ai marre d’avoir la honte quand je suis dans un des innombrables restaus sympas de Beaune et qu’on me demande d’où je viens. Invariablement ma réponse est la suivante : « Je viens d’un pays sans vin, je viens d’une ville coupée de la Côte, je viens de très loin, je viens de Dijon. », le tout lâché à mi-voix dans un soupir découragé. En plus je connais le meilleur vigneron du monde-de-la-côte-de-Nuits-de-Marsannay, Christophe Bouvier du Domaine Christophe Bouvier qui pourrait faire du fabuleux même avec des vignes plantées place du 30 ou place Wilson !

Moi Président, je voudrais qu’il y ait une plage à Dijon avec des vagues et des marées, c’est en bas de la rue Monge que je la verrais, avec l’eau qui arrive au niveau de la place du 1er mai, et l’avenue Jean Jaurès qui s’appellerait La promenade des bourguignons.
Moi Président, j’interdirai aux contrôleurs de la SNCF de réveiller un type qui rêve dans le TGV.

■ Jean-Guillaume Dufour

J.G. Dufour est l’inénarrable auteur d’un ouvrage sur la cuisine des Tontons, sorti cet été chez Marabout. Retrouvez-le dans nos pages "A boire et à manger" pour un cours de cuisine minute sur les tartares, qui sont sa spécialité, dans ses trois restaurants parisiens.


 
 

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