64
Magazine Dijon

automne 2015

 N°64
 
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03

par Jean-Guillaume Dufour

Moi, Mère Dufour, cheftaine de cuisine La chronique du mégalo

Moi, la mère Dufour, ma vie je ne l’ai pas faite au moulin, je l’ai faite aux fourneaux ! Et c’est bien connu on ne peut être aux deux en même temps.


Mère Dufour, cheftaine de cuisine

C’était pas ma vocation, c’était mon métier, y en a pas beaucoup des gens qu’ont des vocations. Moi je suis d’une époque où on appelait un chat un chat, aussi à 14 ans vu que j’étais pas dans les plus fortes à l’école (enfin, au niveau intello, parce que déjà, question poitrine...), c’était apprentissage, y avait pas d’hyperactifs ou de dixaurtograffikes, y’avait études longues ou apprentissage. Et attention, quand tu démarrais dans une voie, c’était pas pour arrêter 15 jours plus tard parce que ça te plaisait plus ou que tu t’épanouissais pas. Non non non, c’était parti pour 2 ans et tu commençais tout en bas, plonge batterie que ça s’appelait, c’est-à-dire récurer les casseroles. Et pis pour le trouver ton maître d’apprentissage, tu te présentais bien propre bien soignée bien coiffée, avec tes parents qui te confiaient à ton premier patron. S’agissait pas de la ramener, s’agissait de bosser et d’obéir, et aussi d’avoir des bonnes notes à l’école, moyennant quoi à 16 ans t’avais ton CAP (en général ton patron te glissait un bon billet ce jour là) et tu savais quand même écrire le français et compter sans machine, à 20 ans tu gagnais bien ta vie et tu connaissais déjà bien ton métier. Ah c’est sûr, t’étais pas bachelier, mais t’étais pas chômeur non plus !!!


En général vers la trentaine, tu commençais à essayer de te mettre à ton compte et à 40 ans tu vivais bien. Juste un détail, pendant tout ce temps, t’avais bossé 11h par jour pour en arriver là. Seulement t’étais fier de toi, et en plus t’avais formé des apprentis, la boucle était bouclée et tout le monde y trouvait son compte. Tu sais quoi, même le client ! Parce que quand tu passes des années dans la cuisine, ben crois-moi, y faut meubler, t’as pas fait tout ce chemin pour réchauffer des plats tout faits, alors du coup tu travailles des produits frais, tous les matins de cette époque dans toutes les cuisines de France, ça commençait par une ou deux heures de pluche. Fruits et légumes qui seraient mangés le jour même ! Du frais, et c’était pas exceptionnel comme aujourd’hui, je ne parle même pas des fonds de sauce ! Le pire, c’est que ça coûtait même pas un bras, les ouvriers mangeaient pas des sandwiches en faux pain dans leur camion, ils allaient au restaurant tous les midis !!!

Et en salle, en salle, on disait bonjour à tout le monde, on trouvait toujours une place, il y avait des clients compréhensifs, qui partageaient leur table avec des inconnus sans pour autant mettre une appréciation incendiaire et erronée sur internet.
Même les loufiats, ils avaient appris leur boulot, ça te levait les
filets, te flambait les crêpes Suzette, te préparait les tartares avec du style, ça aimait son boulot, et ça rapportait des pourboires.
C’est fini ça le pourboire, et tu sais pourquoi, pasque c’est fini le service. Un serveur c’est juste comme une « vendeuse » chez H&M, ça sert à mettre la nourriture en rayon, le serveur il l’apporte sur la table, la « vendeuse », elle remet en rayon les habits, alors forcément les pourboires, on voit pas trop ce que ça viendrait faire là- dedans.

Pis y a aut’chose encore, on faisait pas un restaurant pour avoir un premier prix de décoration, nous c’était pour nourrir les gens avec des bonnes choses.

On faisait pas non plus un restaurant pour passer à la télé, avoir des étoiles, être connu à Tokyo pis à l’os en gelée et diriger des multi-nationales et avoir des salaires de footballeur. C’était juste pour vivre bien, payer correctement son équipe, mettre un peu de côté et pas avoir de dettes. Des vies honnêtes en somme, sur la durée, avec une réputation, un peu de constance.
On faisait pas un restaurant pasqu’on s’ennuyait dans sa grosse boîte et qu’on se disait qu’on serait bien plus tranquille si on avait un p’tit restau ou des chambres d’hôtes, nous c’était notre métier depuis toujours, et devenir patron ça voulait dire encaisser plus de responsabilités et de soucis avant d’encaisser des dividendes !

Quand on parlait de franchise, on pensait pas à des chaînes de restaurant, on pensait juste à la qualité morale !

Quand je pense aux conneries que je lis sur ma cuisine, comme quoi j’aurais choisi de me « tourner vers la nature, ses cycles et la vraititude du produit vrai qui est authentique et traité avec véracité », je cite de mémoire les critiques !

Non mais je fais des produits de saison pasque j’suis une feignasse et que c’est moi qui paye les factures, les fraises c’est quand même plus mûr et moins cher en juin qu’en décembre, donc c’est meilleur dans l’assiette sans avoir besoin de faire des efforts pour qu’elles sentent bon et ça rapporte plus, c’est tout ! Connaissent rien ces gars, z’ont été élevés par Findus, z’ont pas eu de grand-mère ni de mère ?

Remarque aujourd’hui les grands-mères elles sont occupées à se faire refaire la carcasse pour draguer le maître-nageur de
25-30 ans (de 25-30 ans de moins qu’elle), alors forcément, elles ont moins de temps pour mijoter une blanquette ou faire des meringues !
C’est de leur faute à ces nouvelles grands-mères si bientôt y’aura plus de critiques que de restaurants, et j’te cause pas des blogs, c’est comme un journal le blog, sauf que les photos sont moches, le texte idiot et truffé de fautes et ça ne parle que d’une seule chose aussi importante que le maquillage, le dernier restaurant testé par on sait pas qui, voir même comment se comporter au travail ou au lycée. Bon, j’exagère peut-être, y’a des p’tiotes qui font leur boulot, t’en causes dans ce mag que je vais garder, pour une fois, et pas seulement pour mes pelures de carottes.

Tu vois quand même ce que je veux dire, non, t’es pas idiot, j’ai pas à te faire un dessin, quoique... Je sais, c’est pas ta faute, maintenant faut un mode d’emploi pour tout tellement on ne sait plus rien faire !


 
 

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