Octobre 2016
N°68Men in the city
Ils ont quand même un truc les mecs de Besançon. Ce côté un peu roots, que les filles (les vraies) aiment tant. Pas coincés pour un sou, drôles souvent (femme qui rit…), un peu à la mode sans en faire de trop, de l’argent parfois mais sans le montrer, des pieds bien sur terre mais la tête dans les étoiles… Des étoiles pour garder leur âme d’enfant, celle qui les fait encore rêver à une ville plus rock’n’roll, plus fun, différente mais surtout créative. Ils ont cette énergie folle héritée de la force naturelle de leur territoire. Grâce à eux, on vit la ville. Grâce à eux, on s’y sent bien. Grâce à eux, on y vit bien.
« Manou Comby : Petit, j’étais très rêveur. J’avais peur des adultes.
J’ai toujours peur des adultes d’ailleurs. »
Volubile car passionné, convivial car bien dans ses baskets, Manou Comby est devenu un personnage clé dans l’univers musical de la BFC. « Auteur-concepteur-directeur » de la Rodia, la salle des musiques actuelles, il promène un regard aiguisé et visionnaire non dénué de sens, sur la place et l’avenir de la musique dans une ville comme Besançon. L’homme à la boule à zéro garde ses désirs musicaux utopistes en ligne de mire comme un défi, un objectif quotidien qui le fait aller de l’avant.
Parce que la musique, Manou (ne l’appelez pas Emmanuel), il l’a dans la peau depuis qu’il a l’âge de courir : « Chaque été, les cousins canadiens débarquaient en France avec leurs vinyles. À 12 ans, j’écoutais Hendrix et les Stones. Puis plus grand, avec les potes, on faisait de la musique en free style, en dilettante. A l’époque, la vie s’arrêtait dans les deux heures qui suivaient. »
Parce qu’il y trouve des points d’ancrage et un vrai dialogue, le « campagnard » - qui n’oublie pas d’évoquer ses origines jurassiennes, son club de jazz et son groupe « Formica » lédonien - débarque sur Besançon. Manou s’implique alors à 100% dans le milieu bisontin des années 80. C’est l’époque du Lux, du Montjoye, cette tendance un peu underground de passer des concerts rock dans des salles de cinéma désaffectées. Puis il monte « Anatole » avec Mario Lontananza, une société de « Ptits misérables », comme il l’appelle, mais avec laquelle il s’éclate et monte ses évènements artistiques mixant arts de rue et musique. En 1998, Manou et ses compères investissent « Le Cylindre », prémices d’une future salle des musiques actuelles, sans en avoir, à l’époque, le label. Et là, tout s’enchaîne. En 2005, il est nommé par Jean-Louis Fousseret pour réfléchir à la conception d’une SMAC : « Ça faisait des années qu’il se passait des choses sur Besançon. C’est une ville de musique avec un public de connaisseurs. Il fallait donc créer un lieu qui réponde aux envies des bisontins. »
En 2011, la Rodia ouvre ses portes.
Depuis, le jeune saltimbanque devenu chef d’entreprise, y passe du temps dans sa salle. Quand il n’y travaille pas, il vient écouter des concerts. Il aime son équipe. Il aime l’ambiance, le cadre chargé d’histoire.
Il faut dire que le lieu est une réussite, une harmonie parfaite entre le laboratoire de travail pour les groupes locaux, le bar convivial, la salle de concert s’adressant à la fois à un public de connaisseurs aux goûts affûtés comme à un public plus curieux qui vient pour écouter des artistes reconnus. Mission réussie, tout ça, sans assécher le terrain des associations locales.
Et puis des rêves, Manou en a plein aussi. Celui de faire venir spontanément tous les publics à la Rodia. Celui d’en faire un vrai lieu de vie avec tous les jours, des concerts, des conférences, des brunchs musicaux, des soirées DJs, du cinéma musical, des bœufs. Celui de développer Détonation et d’en faire un évènement artistique musical et visuel de qualité, reconnu nationalement. Celui de créer un club anglo-saxon. Celui de réaménager la terrasse, les intérieurs. Celui de ……………………Bip
Laurent Dornier
© sosuitephotographie Yoan Jeudy
Laurent, c’est comme si on l’avait toujours connu. Même si c’est la 1ère fois qu’on met les pieds dans son resto, l’Annexe, en plein cœur de Besançon. Ce n’est d’ailleurs pas pour rien si l’adresse est référencée dans le Fooding. Et l’esprit du Fooding c’est : de bons produits frais, des prix abordables et une ambiance un poil décalée.
Mais ce qu’il y a de décalé à l’Annexe, ce n’est pas la déco, c’est le patron. Laurent Dornier, Lolo pour les intimes. Et chez lui, tous les clients, même les nouveaux, sont des intimes. Il les accueille « comme à la maison », sans chichis. Laurent, c’est un déconneur au grand cœur. Il aime les gens et ça se voit.
Il a pas mal bourlingué le zigue, l’enfant unique, blond à bouclettes, celui qui a failli naître sur le parvis de la gare Viotte, tellement il était pressé de la croquer à pleines dents, cette vie qu’il aime tant.
Enfant du Haut-Doubs - du Pays du Saugeais plus exactement - le père travaille aux « Monts-Ju », la maman est couturière chez Weill et lui part en apprentissage dans la pâtisserie. Le BEP et le brevet professionnel de cuisine en poche, il rejoint le Poker d’As à Besançon, puis travaille en Allemagne, et dans la Drôme, puis re-Allemagne, et revient au bercail en 91, prêt à partir à l’armée… Sauf que, erreur, le départ en treillis, c’est dans 6 mois. Du coup, pour caser le gamin, le padre le présente au Saint-Pierre, qui l’embauche le jour même. Le soir, le gaillard rencontrait celle qui allait devenir sa femme : « Pour frimer, je lui ai raconté que j’avais une belle bagnole ! J’avais une Visa ! Mais elle a craqué quand même ! »
En 2006, il quitte le Saint-Pierre pour monter son propre restaurant : l’Annexe, un néo bistrot, à prédominance poissons et fruits de mer. Un endroit qu’il veut convivial : « Je veux que les gens s’y sentent bien. Je reste nature comme en privé, avec mes potes bikers. Je ne joue pas un jeu. »
Ah oui, ses potes bikers, son Harley, son deuxième « moi »... Quand on le croise au guidon de sa bécane, l’homme au cœur tendre se transforme en loubard. Bagouzes aux doigts, santiags, blouson de cuir, tee-shirt Harley Davidson, il se sent bien, c’est l’American Way of Life de Franche-Comté. Il conduit comme il fait du vélo, cool, car il veut voir les pâquerettes : « On a une si belle région ! » Avec ses potes du Chapter de Franche-Comté, ils se font des balades, des barbecues : « Mais on a l’esprit Harley car on aime les moteurs qui bougent et qui tremblent, les States, le rock’n’roll, le blues » Sa moto c’est une Fatboy Softail : « C’est pas pour les rigolos ça, c’est pour les vrais mecs ! », se marre-t-il, le gaillard qui rêve d’être De Niro, Al Pacino, ou une rock star « pour avoir plein de filles qui m’attendent dans la loge après mon concert ! » ■