Juin 2008
N°35Texte : Jean Maisonnave
Photo : Bingbang et Fotolia
Voici revenu le temps des vacances. Beaucoup en profiteront pour flaner sur les marchés, au sud de préférence, et il faut s’en réjouir :
les marchés – pas seulement ceux de Provence, chers à Becaud – ne sont-ils pas les plus beaux théâtres du monde ? Si bien sûr, même si ce qui s’y joue est moins proche désormais de la comédie humaine que du spectacle consumériste. Je veux dire par là qu’on peut s’y faire avoir, d’autant plus facilement qu’on brûle d’y participer.
Et d’autant plus facilement qu’on est là en tant que spectateur ouvert, abandonné pour ainsi dire à la détente estivale, tout près de croire à la sincérité rassurante des ces lieux enchantés. On sourit à la douce chanson des bonimenteurs ; l’accent aidant, on écouterait n’importe quoi, on est saisi par la plastique colorée des emballages, on goûte avec entrain des produits qu’il devient tout à fait impossible, dans le contexte, de trouver moyens ; bref, on est mûr pour l’arnaque au terroir.
Comme le théâtre, le marché réalise ce paradoxe d’être à la fois le lieu de l’absolue sincérité et des illusions préméditées. J’ai passé beaucoup de temps à les fréquenter, autant par satisfaction personnelle que par nécessité professionnelle, ce qui peut m’autoriser quelques conseils, destinés à ceux qui vont filer vers ces merveilleuses scènes de genre…
D’abord, privilégier absolument les marchés de producteurs (sauf pour la truffe, mais c’est une autre histoire) ; il s’en trouve de plus en plus, en Provence surtout, où les producteurs eux même entendent réagir aux pratiques et tarifs estivaux – ils s’y retrouvent aussi.
Ensuite lire de très près les étiquettes, devenues plus précises pour le poisson,et les viandes. Eviter aussi les charcuteries dites « de pays », lesquelles, même vendues par de plaisants zigomards enchapeautés façon rustique ou vêtus de costumes folklos, proviennent en général de centrales d’achats ( le genre 5 saucissons pour le prix de quatre, porc, âne, chèvre…) Et vérifier de très près, sans se fier aux vendeurs ( j’ai entendu n’importe quoi…) l’origine exacte des produits de pays, quand le dit pays n’est pas clairement indiqué. J’ai déjà parlé des huiles d’olives
( 8 sur 10 viennent d’ailleurs) ; il faut y ajouter les produits dérivés : tapenades, ails confits, poivronades, et autres, présentés en panier, bidons, bocaux sans indication d’origines. Et les vinaigres, travestis et parfumés très souvent. Pour les vins méfiance, je me suis fait avoir ; il faut déguster, avec vigilance. Quant aux produits « traiteurs », si pratiques, je conseille tout bonnement des les éviter.
Moyennant ces quelques précautions, il n’y a en effet rien de plus vrai qu’un marché au soleil. A tel point que déjà, nous voici contraints d’y aller avant 9h du matin, après quoi on s’y fait meurtrir par les poussettes, emportés par la foule et contraints de subir – outre l’augmentation des prix – des réflexions telles que celle-ci, adressée à son épouse par un homme de belle allure : « Achète nous un bon cassoulpif ! ». Ce candide vêtu de lin blanc, probablement abusé par le GPS de son « Cayenne », avait confondu le Lubéron avec le Lauragais. Il est temps de remonter, comme on dit ici, avant l’invasion capitale.