Automne 2013
N°56Fonds de terroir
Faut-il croire au terroir ? Comme une jolie histoire, un conte de fées, dont la Bourgogne serait l’irréductible défenseur face à un monde technocritique.
Sale temps pour nos climats ! Deux ans de suite que la France bloque le dossier… Mais, promis juré (tiens, le crachoir est juste là !), il sera présenté à l’Unesco en janvier 2014 et examiné en 2015.
L’occasion de faire un petit rappel : petite définition du climat pour les nuls…
κλιµα, κλιµατος, c’est du grec et ça veut dire “orienté vers les rayons du soleil” ; ça vient du grec qui veut dire incliner. Au départ il n’est donc pas question de “terroir”, mais d’un emplacement privilégié, typiquement à mi-pente, qui prend bien le soleil. D’ailleurs, les premières vignes antiques retrouvées en Bourgogne, à Gevrey-Chambertin, grimpaient sur des palissades orientées vers le soleil. Comme si les Romains avaient voulu, depuis la plaine, recréer le meilleur
climat… La meilleure inclinaison.
La notion de terroir vient après, lorsque les moines-vignerons, aux affaires depuis mille ans maintenant, ont commencé à remarquer que le sol aussi pouvait être plus ou moins favorable, et surtout différent dans cette parcelle et celle-ci, même si elles ne sont séparées que par un chemin. Les moines observaient, ils avaient l’éternité devant eux…
Mais ce que la science ne peut pas dire, c’est comment recréer à coup sûr un Chambertin.
C’est bien ça, le sens de la candidature à l’UNESCO : reconnaître l’unicité des climats de Bourgogne, sa complexité, son unique diversité.
Et c’est là que l’on comprend : le terroir est une Histoire, une multiplicité de décisions de ceux qui ont jour après jour façonné ces terres pour en tirer la quintessence. Ou de ceux qui avaient le pouvoir politique, comme cette décision de Philippe le Hardi, en 1395, d’interdire le Gamay pour privilégier le Pinot Noir.
Elle est là la typicité : les vins du nouveau Monde n’ont pas de terroir car ils n’ont pas d’histoire. Mais ça viendra. On le voit, petit à petit, la page cépage se tourne. Les anglo-saxons, friands de Chardonnay, vont vite s’apercevoir que celui d’ici n’est pas le même que celui de là-bas. L’Histoire a déjà commencé. Et l’on se souviendra peut-être qu’elle est partie d’ici. De quelques moines culteurs aux grands wine-makers, de petits terroirs à la Terre entière, de nos microclimats au grand climax, qui transformera le plaisir à la bourguignonne en orgasme orgiaque et mondialisé. Bring me to climax…
■ Eric Chariot