Décembre 2009 Janvier Février 2010
N°41 Maria Jésus NORIEGA Slow Food
Jean-Paul SANSON Créateur du guide Max
Marc SCHAFERLÉE « La Marée », marché de Dijon
Jean-Michel TURIN « Le Château de Vauchoux » à Port sur Saône
Jean MAISONNAVE Critique gastronomique
Noël, ah, Noël ; on va encore grossir. Le foie gras, le chapon aux marrons, la crème au beurre et tout ça… Déjà que les Français ont grossi en moyenne de presque une livre en quatre ans ! D’après le « Figaro », vingt millions de Français sont trop gros. N’allez pas croire que je lis le Figaro, mais c’est tout de même alarmant, et en régulière augmentation. Certes, ce sont surtout les pauvres qui sont touchés, ils mangent trop, mais c’est assez général. Exemple : à la rédaction de ce magazine ; il y en a qui prennent des allures inquiétantes, et ce ne sont pas les plus pauvres. Moi-même, j’ai un peu tendance à m’envelopper et comme ça m’angoisse, je bois pour compenser, Sauternes plus foie gras, résultat : 1 500 calories, sans compter le confit d’oignons, où cela s’arrêtera-t-il ?
Nous avons résolu de prendre le problème à bras le corps en proposant pour ce Noël un banc d’essai diététique si on évite le beurre, la mayonnaise, la rouille, l’aïoli, toutes ces petites choses qui vont si bien avec. Et le vin blanc (un vin blanc sec de préférence, pas trop fruité, mais assez costaud pour résister à la mayonnaise). Si on évite tout ça, on peut en consommer tant qu’on veut. Alexandre Dumas mangeait une quarantaine d’huîtres pour inaugurer le repas et se mettre en appétit.
Les fruits de mer, dès le nom, c’est tout un imaginaire. Quand ils sont frais, on promène son nez dessus, on se sent frôlé par l’aile des mouettes…
Ajoutez la mise en scène, la banquise, les petites serviettes, le plaisir d’être assemblés autour, sans les gosses qui en général n’aiment pas ça, un bonheur en coquilles…
Nous avons donc décidé de comparer six plateaux de fruits de mer à soixante euros (ce qui peut convenir pour 2 à 4 personnes). Pourquoi six ?
Cest ce qu’on a trouvé à la date du test (10 novembre), peut être en découvrirez-vous d’autres (mais on manque de poissonneries à Dijon). Et pourquoi 60 euros ? Parce qu’il fallait un postulat commun, pour pouvoir comparer. C’est la première fois que nous prenons le prix pour base commune, ce qui a engendré de longues discussions, considérant que par ailleurs, les échantillons étaient très différents. C’était ça l’intérêt : ce qu’on pouvait avoir pour le même prix, mais techniquement, sachant par exemple que le prix des spéciales et des claires n’est pas le même du tout, idem pour les palourdes et les vernis, ce fut long et agité pour se mettre d’accord. Ainsi va la démocratie.
À la réflexion, c’est peut-être pour cette raison que les citoyens d’Athènes votaient avec des coquilles d’huîtres. Il avaient d’abord essayé avec des oursins, mais la participation était trop faible ; enfin, il paraît. Avec les huîtres, les bulletins étaient plus faciles à extraire des urnes.
Origine |
Commentaires |
Prix |
Note sur 150 |
Classement |
Restaurant LE BOUCANIER |
Présentation soignée, en deux plateaux. Citrons découpés. Grande variété : belles huîtres, palourdes, moules, bulots… Seul à offrir les crevettes grises. Pain de qualité. |
60 € |
115 |
1er |
Restaurant LA FRINGALE |
Présentation extrêmement complète, avec serviettes et couverts. Tous les produits (tourteau, gambas, amandes, moules, huîtres) sont d’une grande fraîcheur. Aïoli de qualité. Bulots trop court-bouillonnés pour un, bons pour les autres. Classé 1er par deux jurés, avec de gros écarts (d’où l’égalité). |
60 € |
115 |
1er |
Restaurant LE MARCHÉ DE L’HUITRE Rue Bannelier – Dijon |
Ensemble bien présenté, avec serviettes et trois sauces. Variété moyenne. Huîtres (le meilleur du lot), bulots (médiocres), gambas, amandes, langoustines : bonne qualité. Tourteau petit. | 60 € | 102 |
3ème |
Brasserie WILSON 43 Rue Pasteur – Dijon |
Dressage soigné ; plateau complet, y compris un homard, ce qui est généreux, mais, en l’occurrence, source de réserves. Il est mal cuit, décongelé. En revanche, belle qualité des huîtres. Un juré pense reconnaître Gillardeau – et belle fraîcheur des bulots. Pain mou, pâteux. Langoustines cotonneuses. | 57 € 60 | 89 |
4ème |
Brasserie FLO Place du Marché – Dijon |
Plateau complet, avec tourteau (moyen). Deux variétés d’huîtres dont une excellente (spéciale). Tourteau bien rempli. Amandes, bigorneaux OK. Moins d’adhésion aux langoustines et bulots. Mayonnaise très salée. |
60 € | 82,5 |
5ème |
SUPER U Arc sur Tille |
La fraîcheur des produits est saluée, mais l’échantillon est pénalisé fortement par la présentation aucune attention, et les huîtres ne sont pas ouvertes. Manque aussi la glace. Huîtres trop salées (pleine mer ?). Deux tourteaux. Bulots médiocres. | 51 € | 76 |
6ème |
Le classement, pour une fois, ne surprend personne dans le jury et les jugements concordent. Avec des nuances cependant, consécutivement à la variété des produits : certains donnent la prépondérance aux huîtres. D’autres aux crustacés. Personne (sauf un) aux coquillages. Ceci à la dégustation. L’importance de la présentation (et de l’olfaction) apparaît clairement à l’examen des fiches ; le plateau de fruits de mer est un spectacle, mais le remplissage, excès de produits pas chers pour faire joli, a été dénoncé pour deux plateaux.
La qualité des produits annexes : mayonnaise, sauces, beurre, pain a été, à mon sens, sous-évaluée. Ils peuvent être pour beaucoup dans le choix du consommateur. Mais les jurés ont souhaité se concentrer sur les produits de la mer, sans autres adjuvants, ce qui est pro.
Enfin, ces plateaux pour deux à 60 euros montrent que les fruits de mer ne sont pas si chers. À deux, c’est un repas entier. Ils peuvent convenir pour quatre, ce qui ramène la portion individuelle à des dimensions raisonnables, s’agissant de produits de qualité, frais et nécessitant pas mal de travail. Par ailleurs, sauf rare accident, ils sont diététiquement sains et très peu caloriques.
Bien que son nom paraisse fait pour la bouillabaisse, Maris Bulteau est vendéen. C’est d’ailleurs de Vendée que viennent ses grenouilles et certains produits plats, comme ses superbes soles de sable, dodues comme des gélines ligériennes. Le reste vient de Rungis, où Marius va faire son marché chaque lundi soir, et autres bons lieux, Concarneau et la cornouaille, la baie de Saint-Brieuc pour les Saint-Jacques.
C’est un vrai poissonnier, on peut discuter, il a des huîtres de chez Gillardeau, mais aussi des fines de claire d’Oléron qui valent moitié prix à qualité à peine moindre, en saison. Je ne dis pas qu’on ne puisse pas discuter avec les poissonniers de supermarchés, mais c’est rare, j’ai essayé. Alors, on regrette que Marius soit à Beaune. (ah, encore !) et pas à Dijon. A Dijon, avant, il y avait Leleu, il fallait y aller le mercredi surtout, ça arrivait, du tout frais, des beaux mulets vraiment bons qui ne coûtaient rien du tout. Maintenant, il faut aller au marché, mais ce n’est pas tous les jours. Ça ne fait rien, on s’accommode, on se dit qu’on ne peut pas être heureux tout le temps, on saturerait.
La Côte Sauvage – 7 rue du Faubourg Saint Jean – Beaune