39
Magazine Dijon

Juin 2009

 N°39
 
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03

humeur de table
Jean Maisonnave

Le rouge de la colère sur le front de la tomate


Ça y est ; ils nous refont le coup du pain… Souvenez-vous : dans les années 80, le pain quotidien était devenu tellement inbouffable que la consommation avait diminué de moitié, presque. Du coup, alerte chez les gros malins qui ont commencé par tirer des rideaux de fumée, en farinant, en multipliant les formes, les « spéciaux », les faux traditionnels. Puis ils ont fini par s’attaquer à l’essentiel : la méthode ; parce que ce qui coûte cher dans le pain, c’est ce qui fait qu’il est bon : le temps. Aujourd’hui, le pain est redevenu bon, on peut dire. Sauf qu’il est plus cher, à qualité égale.
Le rouge de la colère

Pareil pour la tomate. Après avoir industrialisé la production - c’est le « légume » le plus consommé par les Français - et fabriqué des tomates inbouffables, mignonnes mais nulles en goût, sauf exception, voilà qu’ils nous refont des pitreries illusionnistes en multipliant les couleurs, les variétés, les branchées, les jaunes, les vertes, les noires, les petites rondes, les ovales et tout. Résultat : « cœur de bœuf » insipide, « noire de crimée » pleine de flotte, « russe » mollasse, « longue des andes » asthénique, etc… Les supermarchés en regorgent ! Bref, ils nous reprennent pour des cons.

Quand on arrive vers Alméria en venant de la Sierra, on découvre la mer, brillante, étale, un peu trop étale. En fait, on réalise en s’approchant que c’est une mer de plastoc, des horizons de serres qui alimentent en tomates, toute l’année, la grosse moitié de l’Europe. Culture intensive, engrais à gogo et main d’œuvre (marocaine le plus souvent) exploitée. D’où prix bas, etc… On connaît le processus. Et encore, là, elles poussent hors sol. Les Hollandais sont des spécialistes. Tout le monde le sait, qu’elles ne valent pas un clou, même les variétés dites « anciennes », mais ça marche encore, on achète les mêmes saloperies qu’avant, mais plus chères. Eux s’y retrouvent, le consommateur non. Si le consommateur veut une vraie bonne tomate, devenue consécutivement à tout ça, exceptionnelle, il est contraint d’y mettre un prix fou.

Sauf l’été, et encore. Parce que là aussi, le problème est dans la méthode. Pour faire une bonne tomate, il faut du temps, du soleil et de la surface. Le critère variétés vient après : une simple « roma » cultivée en plein champs aura peut être une peau épaisse, mais elle restera meilleure qu’une « russe » (ma préférée) ou une marmande (sa cousine) poussée en serre. Ils ont même réussi à nous saloper la « cœur de bœuf ».

Conclusion, radicale : si on veut connaître le vrai goût de la tomate, il faut l’acheter maintenant, sur les marchés, en demandant de la plein champs, chez le producteur si possible. En Bourgogne, elles mûrissent parfois plus difficilement, mais c’est le seul moyen. Le reste, c’est pipeau, chausse-trappes et carnaval. Et sachez que sauf rare exception (il y a des franchisés qui travaillent avec la production locale) il ne peut pas y avoir une bonne tomate dans un supermarché. C’est une impossibilité fonctionnelle. Et je suis aussi ferme là-dessus qu’une tomate russe bien élevée.

J’ajoute qu’en ces périodes de vacances, les marchés de Bourgogne constituent à eux seuls, surtout en temps de crise, un voyage estival assez revigorant y compris pour le goût. Or, le goût, le nôtre comme celui des choses, c’est ce que nous possédons de plus personnel.

Jean Maisonnave


 
 

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