Octobre 2016
N°68Il aura fallu dix ans pour faire du jeune Docteur Jekyll trentenaire, appelé au chevet d’un Duo dijon malade, un Mister Hyde plus serein et rock’n’roll à la fois… Même si Laurent Joyeux se transforme encore les soirs de première en directeur d’opéra en costume ! Retour sur l’itinéraire d’un homme gonflé qui a entrepris de dépoussiérer un genre et un répertoire auquel on a tendance à s’accrocher, en province, par peur de l’inconnu.
Le choc : voir coup sur coup Orfeo de Monteverdi dans la version rock’n roll donnée à l’Opéra de Dijon et une retransmission de La Traviata de Verdi à la télé, avec des chanteurs figés dans des postures impossibles !
Ceux qui s’attendaient à voir des nymphes, des bergers roucouler devant une Euridice aux allures de Castafiore (l’œuvre a 400 ans !) eurent droit, début octobre, pour l’ouverture de la saison, à un Orphée chanteur de rock sexy entouré d’une troupe sachant tout à la fois chanter, bouger, exprimer des émotions, remplir l’espace, vocalement et physiquement, au risque d’en faire trop. Mais personne n’a regardé sa montre ni même les « flash-infos » qui défilaient pour raconter la vraie descente aux enfers d’un couple improbable.
À une époque pas si lointaine, rappelez-vous, certains metteurs en scène se sont amusés à donner de l’opérette et de l’opéra-comique une vision baroque, au sens large du terme, même à Dijon ! Mais les temps ont changé, les hommes aussi. Et c’est l’opéra baroque qui a permis d’offrir au large public une vision et une audition rafraîchissantes du lyrique.
Le public de l’Opéra de Dijon s’est diversifié, rajeuni, si l’on veut, mais c’est ce qu’on a toujours entendu ici, depuis quelques décennies. Le problème n’est pas de mettre des jeunes au fond de la salle pour qu’ils secouent la léthargie des anciens, mais de les fidéliser une fois qu’ils auront à payer plus cher.
Le problème, surtout, c’est qu’aujourd’hui, plus personne, dans la génération des 30-40 ans, ne peut vraiment comprendre l’univers, la musique d’un Offenbach ou d’un Lehar, et qu’il va falloir trouver aussi les metteurs en scène capables de décrypter Verdi et Puccini. Faire ressortir la modernité d’un livret, d’une musique d’un Nabucco, ce n’est pas facile. Pas impossible non plus, on le verra au cours de la saison 18-19.
Pour y arriver, Laurent Joyeux a su s’entourer d’une véritable équipe. Le garçon solitaire et un peu « tête à claques » du départ a mûri. Il en a pris des claques, justement, en voulant réformer les chœurs, l’orchestre, persuadé qu’il était le mal aimé d’une ville qui en voulait au « ch’ti » musicien débarqué de Lille pour en finir avec l’opéra.
Combien savaient que l’homme sûr de lui, protégé selon certains par ses relations au plus haut sommet de l’Etat, était un garçon quasi timide ayant vécu 18 ans à Nevers (rien que pour ça, respect !) ? Et à propos… Nevers, Auxerre, Besançon, Mâcon ou Chalon sont des villes d’où on se déplace désormais entre amis et en voiture pour venir à Dijon s’offrir un break lyrique. En attendant l’amélioration des transports publics, une seule maxime : « si tu ne vas pas à Lagardère », comme on dit à Nevers, Lagardère ira à toi.
D’autres idées fausses ? La danse, dont on pensait que Laurent Joyeux n’était pas fan, revient en force (de grands noms trois fois par an). Le Théâtre ? Les grandes tournées ? Le plateau de l’Auditorium, que certains espéraient partager, est déjà occupé 304 jours par an. On y fait même des repas entre amis chics du lyrique, ce qui ne veut pas dire que rien n’a été fait côté bar pour détendre l’atmosphère à l’entracte. On n’en est pas encore au food truck devant la porte, tout simplement parce que la sortie côté pelouse, au rez-de-chaussée, n’est toujours pas ouverte. Comme la salle de répétion.
Pour ne faire de la peine à personne, on ne parlera pas du Grand Théâtre, qui devrait revivre avec la réouverture du musée, son frère de misère, à l’horizon 2020. Mais la volonté d’augmenter les productions d’opéra est une bonne nouvelle, plutôt rassurant même s’il va falloir trouver une diffusion plus large. Et notre rêve de voir des retransmissions à l’extérieur pourrait se réaliser. Une retransmission de la Flûte Enchantée sur la place de la Lib, si le temps le permet, aurait d’autant plus de gueule dans la version postatomique qui nous attend, les sectes remplaçant les éternels francs-maçons qui pourront quitter leurs appartements voisins pour profiter du spectacle, sourire aux lèvres.
Mozart à la place de Thiéfaine, c’est audacieux non ? Si Laurent Joyeux veut continuer de prendre des risques pareils, on vote pour (un vote utile, en ces temps de grande incertitude). Surtout s’il y a des saucisses grillées et de la bière à la terrasse de la future brasserie des Ducs, déjà prête à l’accompagner dans l’aventure. ■ GB
Dim. 6 novembre à 15h - Musique
Ce sublime oratorio, dont les valeurs humanistes et universelles font plus que jamais écho dans le monde d’aujourd’hui, raconte les premiers instants du monde, du chaos à la création d’Adam et Eve, avec une vision profane imaginée par Haydn, tout comme Mozart l’avait fait à la même époque dans La Flûte enchantée.
Mercredi 9 novembre à 20h - Musique
C’est après une audition du fondamental Black Angels de George Crumb que le violoniste David Harrington décide de fonder cet ensemble, le Kronos Quartet, avec une ambition : défendre, promouvoir et susciter la création musicale contemporaine sous toutes ses formes. Enfant de la Contre-Culture américaine, David Harrington n’a eu de cesse de faire se croiser les différents courants artistiques, de la pop des Who aux minimalistes américains !
Tristan & Isolde | Salue pour moi le Monde !
Ven. 18 et Sam. 19 novembre 20h - Danse
Si l’histoire d’amour de Tristan & Isolde inspira le compositeur allemand Richard Wagner au point d’en créer un opéra magistral en 1865, le monde de la danse fut davantage timide et ne l’adapta que très peu sur scène. Le style de Joëlle Bouvier, chorégraphe, s’adapte parfaitement à cette histoire d’amour intemporelle : « languir et mourir, mais non mourir de languir. » Joëlle Bouvier.
Thomas Enhco & Co – Duo & Trio Jazz
Sam. 26 novembre 20h - Musique
C’est un concert inédit que vous propose Thomas Enhco, à l’image de sa formation musicale, avec en face A des classiques revisités et en face B du jazz qui fera swinguer la salle de l’Auditorium.
Magdalena Kožená | Emmanuelle Haïm
Dim. 4 décembre à 15h - Opéra en concert
Emmanuelle Haïm & le Concert d’Astrée vous enchanteront à nouveau dans ce programme où Magdalena Kožená incarnera les grandes héroïnes baroques françaises.
John Adams
Ven. 9 décembre à 20h – Musique
Découvrez sur la scène de l’Opéra de Dijon, John Adams. À la fois, compositeur et chef d’orchestre, sa musique influencée par le jazz & le rock permet au public de découvrir et d’apprécier la musique contemporaine d’une tout autre manière ! A la tête du London Symphony Orchestra, entrez dans l’univers engagé de John Adams.
Freiburger Barockorchester
Lun. 19 décembre à 20h - Musique
L’un des meilleurs chœurs au monde, le RIAS Kammerchor, et les grands spécialistes de la musique baroque que sont les musiciens du Freiburger Barockorchester vous offrent un vrai cadeau de Noël avant l’heure.