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Printemps 2019

 N°78
 
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La vraie vie de Philippe le Bon


Philippe Le Bon Rogier Van Der Weyden
Philippe Le Bon
Rogier Van Der Weyden - Présentation Miniature - Chroniques de Hainaut

Enquête à Bruxelles et dans les « Pays de par-deçà » sur un Duc de Bourgogne au-dessus de tout soupçon

Tout a commencé par une balade à Bruxelles aux côtés d’Isa, une spécialiste de l’histoire de l’art qui ne manque ni d’humour ni de punch. Elle propose cette visite originale aux Français curieux de connaître la vraie vie de Philippe le Bon et de son Téméraire de fils. Une balade dans le temps de la Grand Place aux souterrains de son ancien palais, que l’on peut prolonger par une visite de Bruges et Gand. Une autre vision de la fabuleuse saga des Ducs de Bourgogne.

Quand le roi Jean le Bon, capturé à Poitiers en 1356 et emmené à Londres, retrouve enfin sa terre de France, il cède à son plus jeune fils Philippe le duché de Bourgogne en apanage. Le jeune homme a 21 ans, et ce sont les Anglais qui lui donnent le surnom de « Hardi ». Il mérite son nom car très vite il redresse le duché qui est ravagé par la peste et par les pilleurs des « Grandes compagnies », puis il épouse l’héritière la plus en vue du paysage princier : Marguerite de Flandre. Elle lui apporte la Flandre mais aussi l’Artois, le comté de Réthel, la Franche-Comté, le comté de Nevers et des terres en Champagne. Sans compter les 10 enfants à qui elle donnera naissance.
C’est leur fils aîné, Jean sans Peur, qui hérite du duché en 1404, ainsi que de la réputation de puissance froide et prospère de cet Etat burgondo-flamand, face à un roi de France qui multiplie les crises de folie. Le frère du roi, le duc d’Orléans, profite de la faiblesse de Charles VI pour piller le trésor, ce qui fâche le nouveau duc de Bourgogne. La querelle dégénère entre les Armagnacs et les Bourguignons, jusqu’à l’assassinat du duc d’Orléans à Paris en 1407. Jean aurait pu prendre le pouvoir et redresser le pays mais les pratiques de régicide, banales en Angleterre ou en Italie, horrifient les Français : Jean se replie. Il sera assassiné à son tour sur le pont de Montereau, en 1419, lors d’une rencontre avec le futur Charles VII, rendez-vous qui était un guet-apens.
Lorsque le fils de Jean sans Peur apprend la mort de son père, il pousse un cri affreux et se joint à la colère populaire dans les rues de Gand. Philippe le Bon a alors 23 ans, et apparaît vêtu de noir au service funèbre du duc Jean dans l’église d’Arras : il gardera le deuil durant les 48 années de son règne, et n’aura de cesse de venger son père. C’est là que le roi d’Angleterre se frotte les mains : il tient l’allié qui chassera le roi de France à Bourges.

"Le Bon" ne veut pas dire qu’il soit aimable ou débonnaire :

cela signifie plutôt qu’il gouverne bien, avec un grand sens de l’Etat, une autorité implacable, une politique tentaculaire et un caractère inébranlable. Homme secret, il s’attache à montrer à ses sujets qu’il veut leur bien et affiche un train de vie éclatant pour régner par le faste. Il fait confiance à sa mère et à sa 3ème femme, Isabelle de Portugal, ainsi qu’à ses nombreux bâtards, placés un peu partout dans ses possessions.
Le duc n’a pas d’héritier avec ses 2 premières épouses : il a 33 ans quand il se marie pour la 3ème fois, et Isabelle de Portugal en a autant. Elle arrive à Bruges par le port de Sluis et le duc la trouve encore plus belle que sur le portrait qu’en avait fait Jan van Eyck, envoyé à Lisbonne pour la rencontrer. Philippe organise les noces à Bruges dans un déploiement de magnificence inouï. Il crée pour l’occasion l’ « Ordre de la Toison d’Or », rassemblant 23 chevaliers qui lui jurent fidélité et soutien. Le premier chapitre se tient à Lille.
Philippe est l’artisan du regroupement bourguignon : il achète le comté de Namur, prend possession du Brabant et du Limbourg restés sans dirigeant, il force sa cousine à lui céder le Hainaut, la Hollande et la Zélande, il obtient la Picardie et la Somme en gage de réconciliation avec le roi de France, il récupère de duché de Luxembourg, les principautés de Liège, du Cambraisis et du Tournaisis, qui s’ajoutent au duché constitué par Philippe le Hardi. Il passe de 7 à 16 titres et règne sur 2.700.000 âmes (contre 400.000 dans toute l’Angleterre).
Comme la plupart des duchesses de Bourgogne, l’épouse du duc gouverne à Dijon, pendant que le duc passe la plus grande part de son temps dans ses provinces du Nord, qui rassemblent 80% des impôts et assurent la prospérité du prince. On parle d’ailleurs des « Pays de par-deçà » (les pays du Nord, là où ça se passe, où vit le prince) par opposition aux « Pays de par-delà « (la Bourgogne, là où le prince n’est pas).
Sans qu’il ait une capitale officielle, en tant que prince itinérant, Philippe le Bon est le plus souvent à Bruxelles, dans le Château du Coudenberg, où il entreprend de grands travaux. On peut encore en visiter le sous-sol aujourd’hui. Comme chaque ville du Nord veut attirer le duc à elle, Bruxelles déroule le tapis rouge plus longuement que les autres et offre au duc une nouvelle aile dans l’Hôtel de ville sur la Grand Place, ainsi qu’une salle du trône, appelée Aula Magna, dans son palais immense. Mais les villes du Nord sont jalouses de leur autonomie : Philippe le Bon doit négocier à la hauteur de la puissance de chaque province pour obtenir l’argent dont il a besoin. C’est pour cela qu’il va mettre en place des institutions communes, sur le modèle français, et que la langue française devient celle des archives institutionnelles. Si aujourd’hui encore on parle le français à Bruxelles alors que la ville se trouve en territoire flamand, c’est grâce aux ducs de Bourgogne !
Le duc transforme aussi la cathédrale (à l’époque une collégiale) des Saints Michel et Gudule en édifice gothique : c’est lui qui donne son apparence actuelle aux deux tours de la façade principale, dominant la colline du Treurenberg. La cathédrale et l’Hôtel de ville sont donc des bâtiments en gothique brabançon tout droit sortis de l’époque du règne de Philippe. Bruxelles prospère et devient un centre économique incontournable en Europe, sous la houlette d’un prince qui vit dans un luxe immense, utilisé comme instrument de gouvernement. La ville devient connue pour ses tapisseries quand le duc fait venir les lissiers de Arras et de Tournai.
La naissance du fils du duc est très attendue : Charles le Téméraire est le 3ème enfant du couple car les 2 premiers n’ont pas survécu. On le baptise en présence de tous les Chevaliers de la Toison d’Or, à Dijon. C’est Charles qui arrivera, pour une courte période, à réunir les « Pays de par-deçà » et les « Pays de par-delà » entre eux, en s’appropriant la Lorraine.
Philippe le Bon vieillit et s’il n’arrive pas à pardonner à Charles VII l’assassinat de son père, il pense à faire la paix avec la couronne de France en accueillant le dauphin à Bruxelles : le futur Louis XI, qui fuit la France et les querelles avec son père. Il lui offre le château de Genappe. Charles VII s’amuse : « Mon cousin de Bourgogne nourrit là un renard qui lui mangera ses poules ». Le dauphin a 10 ans de plus que Charles-Le-Téméraire et passe beaucoup de temps avec lui. Il monte le jeune Charles contre son père le duc et complote dans toutes les directions. Mais Charles se réconciliera avec son père avant qu’il ne meure en 1467, épuisé par un règne long, intense et fructueux : celui d’un homme qui a porté la gouvernance à sa plus haute intelligence et qui a clôturé le Moyen-âge.

■ Isabelle Vanderhoeven

Isabelle Vanderhoeven

Isabelle Vanderhoeven

Incroyables visites guidées privées où la capitale de l’Europe est contée à travers l’histoire de France ! Isabelle est bruxelloise et propose 3 parcours pédestres d’environ 2h. Le 1er s’appelle Victor (comme Victor Hugo) et vous emporte à l’époque de la création de la Belgique ; le 2e s’appelle Louis (comme Louis XIV) et évoque la revanche des Bruxellois sur le Roi-Soleil ; le 3e se nomme Philippe (comme Philippe le Bon), duc de Bourgogne, à qui la ville doit son âge d’or. Sur rdv au 0475-94-37-44 www.isadanslaville.be


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