Juillet Août Septembre 2010
N°43C’est hormonal. En période de coupe du monde, l’homo footus déserte la table familiale pour l’écran télé et le plateau pizza. Même si son équipe nationale aura disparu de la compète à l’heure où paraissent ces lignes, comme c’est assez probable, l’échec ne lui aura que momentanément coupé l’appétit. Au plus évitera-t-il la margharita qui reproduit avec trop d’évidence le drapeau italien.
Banc d’essai, donc, de circonstance ; question de cohérence éditoriale.* Non ? Si, mais assumée cette fois, au motif suivant : la cuisine étant vouée à une internationalisation certaine, je soutiens la pizza contre le hamburger, dans toutes leurs fonctions et représentations. Les enjeux sont immenses ; pas le lieu de détailler, disons seulement qu’avant de devenir universelle et platement fonctionnelle, elle est naturelle, rurale et identitaire alors qu’un produit industriel est par essence interchangeable, donc idiot.
Au départ, simple galette à l’huile d’olive, la pizza évolue et s’adapte selon l’histoire et les territoires. La tomate par exemple lui arrive seulement après la conquête du Mexique, tandis qu’elle-même se transforme (et transforme) au fil des migrations. A la limite, on peut dire que chacun a sa pizza (ou celle de sa mère) suivant sa situation et les circonstances. L’autre jour en Espagne, j’ai vu écrit, en français, dans un restaurant « Pizza d’auteur ». J’ai rigolé, j’imaginais le type sortir ses tupperwares pour jouer les divas, ça faisait pedzouille. A la réflexion, je me suis dit qu’en dépit de la prétention, le principe était juste. La pizza est d’abord un support.
Gardons nous bien de la mépriser. Elle est bonne fille, mais ce n’est pas une fille facile. La preuve : il y en a plein de mauvaises, y compris en Italie. Pour s’en tenir à notre échantillonnage, nous nous en sommes tenus au supposé meilleur du genre : les pizzas de pizzeria. Pour les surgelés, le gros du marché, on verra plus tard. Après les hamburgers, on a pensé, pour rester mesuré, qu’il valait mieux attendre un peu.
1 - Emilie Chapulliot, journaliste divine comédie
2 - Jean-Paul Thibert, cuisinier
3 - Jean-Pierrre Gabriel, Slowfood
4 - Julien Faure, serveur
5 - Alberto Iacomo, restaurateur L’Amarone
6 - Gianmarco Badelucco, commerçant - Dolce Vita
7 - Jean Maisonnave à lui seul tous ces ingrédients
Après discussion, nous avons choisi d’éprouver des pizzas plutôt basiques, en indiquant seulement les ingrédients : tomate, fromage, olives. Après, ça devient réellement trop subjectif. Les intitulés comme les contenus. Les intitulés parce que la sicilienne s’appelle ailleurs napolitaine, ou calabraise, voire marinière ou du chef. Pour choisir une des plus simples. Et les contenus parce qu’il fallait éviter les aversions personnelles, tel n’aimant pas les anchois, tel autre étant rétif aux champignons, etc On n’a pu empêcher, déjà, la présence d’origan, de câpres et autres herbes. Les pizzas ont été commandées anonymement pour 19 heures et enlevées toutes entre 19 heures et 19 heures 45. Le banc d’essai s’est tenu le 2 juin à l’atelier-cuisine de Jean-Paul Thibert, que nous remercions pour ses nombreux fours. Après délibération, les critères et coefficients retenus ont été les suivants : visuel sur 4 (c’est dire l’importance de la première impression en la matière -cuisson, garniture), dégustation sur 6. Note, donc, sur 10. Dégustation arrosée à l’eau, -mais après un vin blanc introductif choisi pour sa bonne acidité- et naturellement parfaitement anonyme et silencieuse.
1- Les notes tournent autour de la moyenne (35), ce qui ne peut étonner car pas mal de produits se ressemblent. Les olives dénoyautées type industriel en ont pénalisé plus d’un. De même que la discutable mozzarella en grains, type Métro. Aucune mozzarella de buffala, mais quelques bonnes olives.
2- Les deux premières places, séparées par cinq points, ont des motifs bien différents. La première est notée de façon homogène par l’ensemble des jurés. La seconde est mise en tête par deux d’entre eux, le reste des notes s’avèrant très différent, un juré la classe même dernière.
3 - Si on refait ça, il faudra opter pour des pizzas avec des produits frais, manière d’affiner le jugement.
4 - Sauf trois, les pâtes se ressemblent, le fromage aussi.
5 - Finalement, ce n’est pas si mal que ça, à raison de 4
euros environ par personne, soit le prix d’un sandwich. Et ça laisse une meilleure marge…
* Se reporter au désastreux banc d’essai des hamburgers dans notre dernière édition
Origine |
Commentaires |
Prix |
Note |
Classement |
VIVALDI Rue Pasteur |
Bel aspect, appareil très vif, type artisanal. Bonnes olives. Avis très divergents : « pizza faite dans les règles de l’art » pour certains (2), « envahie par un origan très amer » pour d’autres (3) | 8 € 50 | 38 | 2ème |
DI LEO Place de la République |
Extérieur carbonisé, pâte trop fine, type tarte Produits de série, olives « plastique », fadeur générale |
7 € 50 | 17 | |
SOMATINO Rue d’Auxonne |
Aspect engageant, malgré une pâte légèrement cloquée Olives vertes, bon coulis, acidité diversement appréciée |
7 € 75 | 36 | 3ème ex aequo |
LOFT 34 rue Berbisey |
Bel aspect, corolle légèrement soufflée Pâte dominée par l’huile, origan très envahissant |
7 € 50 | 33 | |
CASA DI LOLA Marché |
Aspect correct à bon quoique peu orthodoxe Pâte élastique, manque de cuisson, garniture généreuse, sans caractère |
8 € 30 | 27 | |
GRILL LAURE Place St-Bénigne |
Aspect régulier et plutôt engageant, comme moulée Trop de fromage, fadeur générale, pâte inégalement salée |
10 € | 25 | |
VERSION LATINE Marché |
Sur-cuisson relevée par beaucoup mais aspect engageant Peu de caractère mais pas de défaut côté fromage (sauf pour un) et garniture |
7 € 80 | 36 | 3ème ex aequo |
DOMINO’S Rue Michelet |
Aspect engageant, type moulé, si on aime le genre (plutôt bien noté) Pâte bien cuite, trop levée pour deux jurés. Garniture plus généreuse que passionnante |
10 € | 32 | |
MARCO POLO Rue Monge |
Aspect général agréable Point de cuisson trop élevé : noirceurs externes, mollesse. Produits moyens |
7 € 50 | 33 | |
LE PALLAZIO Place de la République |
Irrégulière, couleurs franches, cuissons homogènes Excellente pâte, texture croustillante, moelleuse dedans. Bons produits (olives) |
8 € | 43 | 1er |
*Prévue à titre de référence, la onzième pizza n’a pas été notée : elle avait été conçue en toute connaissance de cause par un membre du jury