Eté 2013
N°55Gérard Bouchu
Non mais quel été, soufflant sans cesse le chaud et le froid !
D’un côté des restos par dizaines dont l’arrêt est programmé, de l’autre des petits nouveaux qui nous font chaud au cœur. Et l’annonce que Dijon a de nouveau droit de cité, dans le monde de la gastronomie : on croit rêver ! Cuisine politicienne et cuisine à l’ancienne, cuisine des ducs et cuisine des cités, à Dijon, on aura vraiment tout essayé.
Ces messieurs de la famille au secours de notre image de marque ! Les tontons flingeurs revus et corrigés par Didier Bontemps
J’ai quitté Dijon à contrecœur au moment où notre bonne ville vivait un événement sans précédent, annoncé sur des affichettes ô combien alléchantes. Dijon sacrée capitale de la gastronomie ! Un scoop, forcément. À moins d’avoir repris un titre datant des grandes heures de la foire, ou de l’époque de Gaston-Gérard, un maire dont on ne connaîtra bientôt le nom qu’à travers un poulet, si on lui supprime son stade.
J’y repensais dans le TGV pour Marseille. Je devais rencontrer certains des chefs provençaux qui ont profité de l’année où cette ville était sacrée « capitale européenne de la culture » pour lancer une association destinée à prouver que Marseille, c’était pas seulement magouille, bouillabaisse et compagnie. Une association de jeunes fous et de vieux de la vieille réunis autour d’une même envie de mettre en avant des talents locaux, des produits locaux, des lieux méconnus, dans un esprit festif qu’on a du mal à imaginer ailleurs, faut bien l’avouer.
Et en Bourgogne en particulier, où on n’a jamais réussi à regrouper les cuisiniers de tous bords pour faire un bouquin un poil marrant sur le sujet, un gigantesque pique-nique ou même une fête qui ne soit ni prise de tête, ni populo-démago.
Bon, tout va changer désormais qu’on va avoir droit de cité. Pour avoir les infos récentes, j’ai regardé le courrier des lecteurs en ligne de la Gazette, un régal, comme toujours. C’est vrai, on l’a méritée, cette cité, Dijon est plus connue que Tours ou Rungis, dans le monde, grâce à la moutarde, au Kir, aux escargots, etc, etc. Enfin, tout dépend par qui, bien sûr. Et Lyon n’a qu’à bien se tenir, quand Bocuse ne sera plus qu’une enseigne. Nous, on aura aussi un bistrot de Loiseau, dont Bocuse avait beau se moquer, à travers ses sauces...
Bien sûr, certains vont profiter du gâteau : même partagé entre quatre villes, il y aura de quoi se gaver, si l’on croit toutes ces mauvaises langues qui se déchaînent sur internet. Si on les écoutait, la vie et la gastronomie deviendraient moches.
Tss, tss, on va nommer des responsables qui pourront s’épanouir et trouver un travail stable, de braves gens, très certainement, qui auront fait leurs preuves dans des usines, sur des plateaux télé, dans des cabinets, dans des cuisines même, pourquoi pas...
Pourvu que ça ramène du monde dans le droit chemin d’une cuisine sincère, authentique, passionnée, c’est l’essentiel. J’imagine déjà une des plus célèbres bloggeuses de la ville en train de rigoler et reparler des kebabs. Et des pizzas, pourquoi pas ? N’empêche, à Marseille, on en mange des très bons, et à prix doux.
J’étais un peu désespéré, début juin, en apprenant le nombre exact des dépôts de bilans, en imaginant déjà toutes ces enseignes que j’aimais bien et qui allaient disparaître de ma vue, d’ici la rentrée, voire la fin de l’année, autour des halles ou dans le centre même, mais aussi sur la route des vins. Une trentaine, c’est beaucoup. On en reparlera plus tard, autour d’une rubrique genre « à nos chers disparus », quoique... Certains auront déjà ouvert leur resto à la Toison d’Or, d’autres se seront exilés en Asie ou auront repris un cabanon sur une plage, côté soleil. Il n’y avait pas que le mauvais temps pour nous énerver. On s’était fait des nouveautés nulles, des adresses chez qui on avait laissé cinquante ou soixante euros à trois pour avaler des galettes avec des produits surgelés à l’intérieur (décongelés quand même, on vous rassure !) ou une cuisine dite de marché qui ne faisait que passer la faim, pas la mauvaise humeur...
Et puis, miracle, avec le soleil, des tables ont surgi du néant, comme « Pépé Joseph », ouvert par un chef génial qui a quitté une adresse luxueuse dans les vignes pour un bistrot bricolé au centre-ville. D’autres, comme le « Bistrot République » ont prouvé qu’une adresse idéalement placée près du tram pouvait devenir une des plus belles tables du centre ancien.
On est curieux de voir ce que donnera le futur bistrot du musée, attendu au tournant. À Marseille, c’est dans les musées, près des docks, que j’ai fait de belles découvertes, en ce début d’été. Dignes d’Amsterdam ou Stockholm. J’ai hâte de voir ce qui sortira de l’ancienne cuisine des ducs.
L’été nous réserve d’autres surprises, on vous en parle au fil des pages... Tournez-les, ça fait toujours de l’air.
■ Gérard Bouchu