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Magazine Dijon

Décembre 2009 Janvier Février 2010

 N°41
 
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Communiqué

La Mère Noël a les boules Le Père Noël est-il une ordure ?

En exclusivité pour Bing Bang, la Mère Noël règle ses comptes. Conte.


Vous pouvez toujours courir pour me faire croire au Père Noël, je vis avec… C’est même pour ça que je n’y crois plus et ça fait mal. Certains soirs, en regardant le givre allumer les sapins et les flocons tourbilloner autour des cheminées, j’en viens à dire que je n’aurais jamais dû le laisser ramoner la mienne.

Il était ramoneur, au départ. Un travail intermittent, qui lui laissait bien du temps pour s’occuper d’autre chose. L’été, il faisait le comédien dans un son et lumière, un boulot encore plus intermittent. C’est le comédien qui m’a séduite, bien plus que le ramoneur. J’aurais dû me méfier mais j’y ai cru au début. J’aimais le personnage ; à Noël, il jouait le Joseph de la crèche, d’où la barbe, et l’été l’ermite errant, Eustache de Narbonne, un autre santon. Et puis il avait de tellement beaux yeux bleus. Malgré la dèche, c’était presque le paradis. On a eu une petite fille qu’on a appelée Marie-Noëlle parce qu’elle est née le 23 décembre : sagittaire ascendant foie gras, il disait. Et moi, ça me faisait rire. Vous voyez l’aveuglement. Mais l’un dans l’autre, on était heureux, entre ramonage et pastorale.

C’est les Américains qui ont tout gâché. Ils sont arrivés au crépuscule, comme les assassins. Ils l’avaient repéré dans un press-book, ils ont dit. Pourquoi ? La barbe et le nez rouge ils ont dit ; ils cherchaient un clown. Il a protesté qu’il était comédien, ils ont dit que c’était pareil. Il allait les virer, mais après avoir vu le chiffre au bas du contrat, il a été d’accord avec eux, et encore plus quand ils lui ont expliqué le personnage. Plus qu’un clown, un bonhomme plein de spiritualité, de générosité, chargé d’apporter le bonheur aux enfants.
Quel bonheur ? Des jouets, des marchandises, mais seulement les plus sages, les bons à l’école etc., les autres, les méchants, c’était pantoufles vides et Père Fouettard. Ils avaient pensé à tout, le scénario, le costume rouge et blanc aux couleurs de l’entreprise, les accessoires, tout. Même la morale de l’histoire.


Là aussi, j’aurais dû me méfier. Elle sentait l’arnaque, leur histoire. Noël, je connaissais, une petite histoire inventée par les premiers papes pour court-circuiter les fêtes païennes du solstice. Sauf qu’il y avait un vrai fond : la nativité. Mais le PERE Noël, à quoi ça rimait, j’ai demandé ? A cause des enfants, ils ont répondu, l’amour et tout ça. Alors pourquoi pas les grands-parents ai-je suggéré ? Parce que Mammy, c’était déjà pris, qu’il y avait les rois mages, et que le père, c’était à la fois la tendresse et l’autorité, c’était plus rassurant. Moi, ça ne m’a pas vraiment rassuré, mais j’ai aperçu le chiffre du contrat, du coup je n’ai plus rien dit. Il y a des cachets qui sont plus durs à avaler, pensais-je.

J’avais tort. Ce fut le début de l’enfer. D’abord, problème de jalousie, on s’est embrouillés avec nos voisins, les Nicolas. Ensuite, c’est difficile d’être la femme d’un héros, ça pose de vrais problèmes d’identité. Madame Noël, ça fait rire, elle parasite le mythe, elle est condamnée à la transparence. Pas qu’elle : les enfants aussi. Marie-Noëlle a fini par se tirer avec Jean-Balthazar, le fils du Père Fouettard, ils avaient des oedipes convergents. Pendant ce temps-là, le héros, lui, se ramassait un ego pas possible à se voir comme un dieu tout puissant dans les yeux des enfants, sans vouloir réaliser qu’avec une papillote, on peut leur acheter la conscience. Ajoutez les jeunes mères, qui font semblant de croire au Père Noël, qui se collent à lui pour la photo, et qu’il aimerait bien faire sauter sur ses genoux à la place des moutards fascinés…

Mais le pire, bien concret, c’est le boulot. Même si je refuse désormais de l’aider à remplir sa hotte, il reste la lessive, une tenue par jour, blanc le matin pour faire le merveilleux, noir le soir comme un ramoneur, l’idée de descendre dans les cheminées, c’est de lui, il sentait mieux le rôle. Mais même sans psychanalyser, c’est dégueulasse. Et qui s’appuie le repassage ? La Mère Noël. Et le picotin pour les rennes ? La pâtée pour les chiens ? La Mère Noël. Et la bouffe, quand il ramène toute sa famille de lutins à la maison ? Et les courses pour le réveillon, la foule, les cadeaux à la con alors qu’il y a un budget à tenir, en ce moment surtout ? La Mère Noël. Sans compter les soirs où il rentre tellement bourré, sous prétexte d’entretenir son nez rouge, reniflant le kiravi et le patchouli, qu’il faut l’aider à retirer ses bottes et son costume de bazar. Il est beau alors, le Père Noël ; tout nu comme le roi du conte. Faudrait montrer ça aux gosses. D’ailleurs, il a grossi, il va falloir qu’il arrête. L’autre jour, il a fallu le désincarcérer d’une cheminée. Qui c’est qu’on a appelé ? La Mère Noël.

Elle en a marre, le Mère Noël. Elle fait comme sa fille, elle se met avec le Père Fouettard. Pas comme épouse, ah non, la sienne s’est tirée. Comme assistante. C’est pas que ce soit mieux payé, mais on se rattrape sur la quantité. Il y a tant de postérieurs et de faces de cul qu’on pourrait en faire un boulot permanent, surtout si, paraît-il, ils veulent légiférer contre la fessée : on fera appel à nous. Travail d’avenir. Et qui, bien fait, peut démontrer que le monde n’est pas manichéen, les bons à droite, les mauvais à gauche. Il y a des gentils qui méritent des baffes et des méchants que ça peut aider. Le monde en devient gris ? Le merveilleux y perd ? Bof, pas de quoi fouetter un chat.
JM PCC
NDLA : la fantaisie du récit non plus que la finesse des allusions ne doivent pas faire oublier que la plupart des faits ici évoqués sont véridiques, voire historiques.


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