Mars 2009
N°38
On avait oublié ce que ça pouvait être beau, un opéra, combien c’était fragile aussi. Difficile d’attribuer à la seule grêve des musiciens (mécontents de leur transfert au sein d’un orchestre qui ne serait plus « maison ») le malaise qui traverse l’Opéra de Dijon. Qu’ils soient inquiets pour leur avenir, on peut le comprendre. Montés sur scène pour expliquer leur volonté de ne pas jouer, ils ont eu du mal à s’expliquer aux yeux (si l’on peut dire !) de ceux qui n’ont d’oreille que pour la musique qu’ils veulent bien entendre.
Certains spectateurs venus assister aux Contes d’Hoffmann ont donc quitté la salle. Ceux qui ont patienté jusqu’à ce que l’orchestre regagne sa place, dans la fosse, ont eu la chance d’assister à un vrai moment de bonheur musical et théâtral. Et d’applaudir ce que certains s’acharnent à détruire, plus ou moins consciemment : une troupe « locale » composée d’hommes et de femmes, solistes, choristes, musiciens, venus de tous horizons (la Bourgogne a toujours été une terre de passage) menée par un chef d’orchestre compréhensif, Dominique Trottein, sous le regard d’un metteur en scène inspiré, Olivier Desbordes. Un grand moment d’émotion !
Qu’un orchestre digne de ce nom se mette en place, dans la lignée du travail réalisé ces dernières saisons, avec des musiciens qui ne viennent plus, comme autrefois, découvrir la partition la veille de la générale, c’est génial ! Que certains s’inquiètent de leur avenir, c’est compréhensible. On se méfie ici des lendemains qui dé-chantent.
Les gens de pouvoir ont du mal à communiquer avec la base, c’est bien connu, encore plus quand il s’agit d’artistes. Dur pour ces derniers de faire confiance à ceux qui ne les aiment pas vraiment. Olivier Desbordes n’a plus son mot à dire, n’étant plus directeur. Ce n’était pas un gestionnaire, mais un créateur. Un des rares à communiquer avec le plus large public possible, quand il est en forme, comme ce fut le cas pour cet opéra d’Offenbach qu’il a rendu compréhensible à tous.
Son festival lyrique de Saint-Céré, dans le Lot, crée chaque été l’évènement. Transposé à Dijon, dans ce théâtre qu’on adore et qui est si mal exploité, il pourrait redonner de la couleur, hors saison, à une programmation annuelle de plus en plus austère et éloignée des créations locales.
Certains, pour juger du contentement du public, comptent les entrées, comme les hôtesses des offices de tourisme, sans préjuger du résultat. Mais ce qui fait la magie d’un lieu, le bonheur des visiteurs, la richesse du souvenir qu’ils conservent n’appartient pas au domaine des mathématiques. Il faut sauver l’Opéra de Dijon. Pas seulement les murs, mais son âme !