Octobre 2016
N°68Dans les cuisines de l’Auberge de la Charme, on souffle comme on sert le chaud et le froid. À la tête d’une brigade de choc, deux chefs aux tempéraments bien tranchés. Demandez le bouillant Nicolas Isnard pour le feu, l’imperturbable David Lecomte pour l’eau.
Au menu, pas de menu. Ici, c’est la cuisine du jour qui prime, l’envie du moment, associée aux arrivages journaliers des produits de saison de leurs copains producteurs d’un peu partout en France. « Asseyez-vous et dîtes-nous ce que vous aimez et surtout ce que vous n’aimez pas et on s’occupe du reste » nous engage Nicolas Isnard, à qui on n’a pas vraiment envie de dire non.
Les deux compères, la trentaine bien passée, sont installés dans leur repaire de pierre et de bois depuis 2008 déjà. Au coeur du typique village de Prenois, pays des prunes et des courses automobiles, à une vingtaine de minutes de Dijon. Illico presto, le guide Michelin s’est empressé l’année d’après de venir reconnaître ces enfants de la table. Légitimement, avec un beau macaron à la clé. Faut-dire qu’ils ont de qui tenir, ces anciens de chez Gilles Goujon (triple étoilé à Fontjoncouse dans l’Aude) venus s’établir avec leurs dames (de la partie aussi) en Bourgogne, prenant la suite d’un certain David Zuddas, qui avait d’autres Z’envies derrière la tête. « On est venus par hasard, sur un coup de poker. On a regardé où c’était sur la carte et puis on a tenté l’aventure. On est vraiment tombé sous le charme de la maison ». De la région aussi. « Ici, c’est terroir, c’est terreux, les amitiés bourguignonnes sont solides, contrairement à nous, les gens du sud, ouverts au départ et pas grand-chose en profondeur ».
Avec le succès et la demande grandissante, une évidence leur saute aux yeux : la cuisine à domicile fait des ravages. Gaillards, ils se lancent dans l’activité traiteur en 2010 avec Kook’In by la Charme. Ce laboratoire de cuisine de 300 m², piloté par David et situé à Norges-la-Ville, mijote en live ses plats pour les grandes réceptions ou les repas vip du DFCO. C’est dans ces tribunes qu’ils rencontrent, la même année, Eric Carrière, spécialiste ès vins. « Une amitié est née et la volonté aussi de faire un truc en commun ». Un trio d’associés parti pour une nouvelle aventure et une déclinaison de leurs idées avec en 2012 le Bistrot des Halles. Mais, parce qu’il faut toujours un « mais » dans une histoire. 2015 est l’année noire, celle de la reprise avortée de la Taverne des Halles. « Trop gros, trop trop… ». Les plats essuyés, l’affaire revendue, l’épopée continue. « On sait maintenant ce que l’on veut et ce que l’on ne veut pas ». Une deuxième étoile ? « Pourquoi pas, il n’y a pas de secret, le travail paie ».
En attendant, Nicolas multiplie le food-consulting aux quatre coins du monde quand David assure au four et au moulin. Dans un coin de leurs têtes chevelues, une nouvelle idée pointe son nez. Un concept de commerce de bouche à Dijon. By la Charme, évidemment. ■ Pierre Cuin