Décembre 2010 - Janvier février mars 2011
N°45
Ce Dijonnais au nom célèbre (sa famille était propriétaire, il y a quelques siècles, de la maison du même nom) a vécu dix ans au milieu des rennes et des lutins. Huit en Suède, deux au Danemark. Carrure de rugbyman, tignasse de guitariste rock (ce qu’il est), toujours en noir, graphiste, Jean-Marc est le photographe dijonnais le plus doué qui soit : une reconnaissance internationale - Paris, Londres, Glasgow, Copenhague..., des expositions aux côtés des plus grands noms de la photo et avec Reporters Sans Frontières, une carrière de grand reporter pour toute la presse scandinave, le soutien de Kodak France et Grande-Bretagne... Ses plus beaux succès : la photographie de nu. Féminin : les mecs se dégonflent lorsqu’il faut se dessaper. Des femmes de tous les jours, aucun modèle pro, prises à leur domicile avec les lumières du bord, en argentique et sans retouche ni d’image ni de corps. Jean-Marc ne cherche pas : les femmes qui le rencontrent, toutes, mariées ou pas, finissent par poser. Parce qu’il est carré, drôle, et respectueux jusque dans l’érotisme, parce qu’il prouve que les filles de la rue sont plus désirables que les mannequins photoshopés. Parfois, elles se retrouvent dans ses livres. Le tout dernier : Les nouvelles princesses, chez un éditeur suédois. Parmi elles, quelques Dijonnaises, encore... Jean-Marc Millière dirige désormais depuis l’Ecosse son association de promotion de photographes Grains de Beauté (dont la photographe d’Iggy Pop), et c’est de son fief peuplé de fantômes (qu’il finira bien par faire poser à poil et sans draps) qu’il a découvert la jeune Dijonnaise Pauline Prénat, à peine 20 ans, qui expose désormais à Paris et bientôt à l’étranger. Pauline, comme beaucoup d’étudiantes, n’a pas de sou. Même pas d’appareil photo. Elle travaille avec son téléphone portable. Un vieux, pas un iPhone de bobo. C’est un génie. La descendance de Jean-Marc est assurée.
O.M.
http://jmmilliere.free.fr
jmmilliere@hotmail.com
0660121872 et pauline.prenat.photo@live.fr
Cette fois je suis revenu par la route de Paris. Le lac, le zouave, c’est joli. Jolis aussi le panneau « Dijon vous accueille », le kiosque pour les touristes au bord de la plage.Et obligeant, un peu plus loin, cet autre panneau :
« Gens du voyage, stationnement obligatoire, rue Django Reinhardt, suivre la direction Dole ». On indique le chemin à ceux qui ne connaissent pas ; on sait qu’on trouvera là-bas un terrain spécialement aménagé, avec tout ce qu’il faut, on a même poussé la sollicitude jusqu’à choisir un nom de rue approprié, celui d’un guitariste gitan dont plusieurs ballades servirent de signe d’appartenance au temps lointain de l’Occupation.
Je ne l’avais pas bien repéré, ce panneau ; mais comme il y a un feu rouge, j’ai pu cette fois regarder plus en détail. Et m’apercevoir que les caractères du mot « obligatoire » sont deux à trois fois plus gros que les autres. Un détail. Mais si le feu dure, on finit par s’interroger. Obligatoire, c’est un adjectif fort, le sens ne saurait échapper à personne. Si on l’a voulu ainsi proportionné, c’est sûrement pour une bonne raison, cette surindication intentionnelle -dirait le spécialiste- tendrait à signifier que le lecteur est bouché à l’émeri, ou particulièrement indiscipliné, ou complètement miro et que du coup l’émetteur se voit contraint à une sorte de menace induite par la dimension graphique. On en viendrait presque à trouver cet « obligatoire » un peu désobligeant, si le feu ne repassait au vert avec une opportune célérité.
Ce n’est qu’un peu plus loin que la vérité m’a illuminé, peut-être à cause des féeries nocturnes annonçant le père Noël : ce généreux dimensionnement ne peut être autre chose qu’une attention supplémentaire. Comprenons : ces gens-là sont souvent étrangers, ils lisent difficilement le français, certains n’ont pas tiré le meilleur parti de l’école républicaine ; de plus, ils conduisent souvent bourrés pour mieux résister au froid ;
il convenait donc de les aider à percevoir clairement le message pour leur éviter de se perdre et de finir, désemparés, par s’arrêter n’importe où. Tout bien considéré, on devrait parfaire le système : éclairer en rouge ce panneau et faire clignoter en blanc la salutaire obligation.
J’ai toujours vu les feux rouges comme une insupportable offense à ma liberté personnelle. Me voici conforté par un grief supplémentaire : ils nous contraignent à des arrêts obligatoires sur des détails pourtant sans équivoque.
Jean Maisonnave