
La destinée de cet inconnu est devenue destin le 7 novembre 1938, à Paris, lorsqu’il abattit d’un coup de revolver un attaché d’ambassade allemand nommé Ernst vom Rath. Ce qui n’aurait été qu’un fait divers parmi d’autres prit une néanmoins une grande importance politique, puisque le geste de ce jeune Juif servit de prétexte à la mise en œuvre d’une Nuit de Cristal de triste mémoire.
Morgan Poggioli, l’auteur de cette biographie fictive, avoue lui-même que l’on sait peu de choses sur son héros. Inconnu il fut, inconnu il reste. D’où cette tentative – réussie – de donner une existence à celui qui refusa d’embrasser le sombre destin de son peuple, qui allait bientôt être la victime expiatoire d’un des plus grands crimes de masse de l’Histoire.
De fait, Herschel, en tirant sur le fonctionnaire nazi, entendait ouvrir les yeux du monde sur le malheur des Juifs européens, avant même que la tempête n’éclate. Il obtint le résultat inverse, et disparut à son tour dans la sinistre ombre portée de la croix gammée. Morgan Poggioli nous livre ainsi un roman puissant écrit avec une remarquable économie de moyens, déployant devant nos yeux une épopée du malheur dont la force restera dans les mémoires.
Je m’appelle Herschel Grynszpan, de Morgan Poggioli,
Ed. Le Murmure, 104 p., 15 €.