automne 2015
N°64par Gérard Bouchu
Retour sur un été mouvementé, qui ramena en sa bonne ville de Dijon l’héritier direct des grands ducs d’autrefois. Des hommes qualifiés de bon, de hardi, de téméraire sans que le peuple n’y trouve à redire. Des ducs à qui le temps avait été donné (on se moquait bien du cumul des mandats en ce temps-là) pour faire de la Grande-Bourgogne un état avec lequel le monde de l’époque devait compter.
« Les très riches heures du duché de Bourgogne" :
nos photographes habituels étant en vacances, c’est à Rogier Van der Weyden, un ami flamand de passage, que nous avons confié le soin de croquer la présentation du dossier de la future cité de la gastronomie à notre duc entouré de ses principaux collaborateurs. Si les femmes semblent peu présentes, c’est simplement que le hasard du calendrier leur avait imposé une séance photo pour notre magazine, le même jour.
Difficile de dire quel qualificatif sera accolé un jour à François. Le visionnaire ?
En lisant les communiqués annonçant la reconnaissance par l’Unesco de la spécificité des Climats de Bourgogne, j’ai découvert, comme beaucoup, que le centre ville de Dijon était désormais, comme celui de Beaune, inscrit au patrimoine mondial. Le choc !
Incroyable, mon vieux quartier des Antiquaires faisait désormais partie des lieux que l’on ne pourrait plus mettre à mal. Il n’y aurait donc plus que des Chinois étonnés, des visiteurs passionnés, des curieux heureux de boire le vin de nos coteaux pour arpenter les pavés de la rue Verrerie avant d’aller se poser en terrasse place de la Libération, du Bareuzai ou de la République. Finies les poubelles débordant à toute heure, les nuisances de toutes sortes, les boutiques fermées, les voitures dans les rues piétonnes, on allait enfin trouver une capitale des ducs douce à vivre.
L’Unesco, c’est comme le Goncourt pour un bouquin ou une troisième étoile pour un resto, ça booste les entrées, les ventes, le moral. On vient de loin pour vous voir, on consomme plus (enfin, pour les Chinois, c’est pas certain), du coup, les fonds de commerce fermés depuis des lustres ré-ouvrent, et même les indécrottables, qui passent leur vie à hanter les allées vitrées de la Toison d’Or, viennent prendre l’air de la ville.
Et l’inscription Unesco, c’était à un certain François Rebsamen, entre autres, qu’on la devait. Beau travail, si j’ose dire à propos d’un homme que je trouvais amusant d’entendre appeler ici Monsieur le Ministre-Maire, puisque nous avions encore à l’époque un autre maire...
Je n’étais pas à Dijon pour l’enterrement d’Alain Millot, mais je crois que c’était bien la première fois de ma vie que j’ai eu autant de peine pour la mort d’un homme politique. Un homme découvert sur le tard, tellement discret, dans l’ombre de François Rebsamen, que je n’aurais jamais pensé le voir un jour dans le rôle difficile que les hasards du calendrier politique allaient l’obliger à jouer.
Alain Millot était un des deux ou trois rares hommes politiques à qui je pouvais serrer la main en confiance, sans penser qu’il s’agissait d’une de ces rencontres obligées entre journaleux et toques-manettes (pour prendre un mot béarnais popularisé par Bayrou). Je regrette juste de n’avoir pas eu le temps de lui remettre un certain guide de voyage pour qu’il puisse repartir vers les étendues désertiques et rêver tout en marchant au soleil d’un monde apaisé.
Je n’ai pas de guide à offrir à François Rebsamen, pas encore ; il faudrait imaginer un guide à son image et à celle de la ville que sera Dijon demain, à la tête d’un territoire renforcé. Mais on y pense, à Bing Bang, vraiment.
Dijon avait connu une embellie, grâce au tram, inutile de le nier. Quand le déséquilibre creusé par la Toison d’Or et la périphérie aura été rééquilibré par la revitalisation du centre, la ville que François Rebsamen nous a promis, au tournant du nouveau siècle, va peut-être enfin pouvoir exister.
j’ai rêvé Dijon
Le conte de fées que j’avais raconté un jour aux lecteurs du Routard dans l’intro du guide Bourgogne (Il était une fois... Dijon) avait semblé se prolonger à l’époque du tram. Notre bonne ville, qui avait traversé les siècles en évitant toujours le pire, entrait dans une ère nouvelle. Celle de la future capitale régionale qu’on a toujours un peu de mal à imaginer. Surtout ceux qui ne veulent pas aller voir ailleurs ce qui se passe.
Le hasard m’a fait traverser longuement la Bavière et l’Autriche le temps d’un autre guide à écrire. J’ai vu des cœurs de ville inscrites à l’Unesco (Vienne, Salzbourg, Linz), où le secteur piétonnier étendu ne connaît de vitrines vides que celles en réfection, où les vélos nombreux partagent les rues avec les voitures de livraison ou celles des riverains, où les flics font leur boulot sans s’énerver, leur présence suffisant (tout comme les caméras multi-présentes) à dissuader de traverser au rouge, qu’on soit à pied ou en voiture, ou à se garer n’importe où... Je revois un quartier des musées bien vivant. J’imagine notre palais des ducs demain, poursuivant sa mue et créant un vrai parcours, allant du Moyen-âge au contemporain en passant par une salle des États et une cour de Flore où la musique serait omniprésente.
Il est grand temps pour notre Duc, de retour sur ses terres, de reprendre les choses en main. La ville classée au patrimoine de l’Unesco, où il fait bon vivre et travailler, n’attend qu’un coup de pouce de sa part pour sortir des cartons et devenir réalité. Et si vous pensez que j’ai assez parlé de lui pour démarrer ce numéro de Bing Bang au féminin, c’est parce que ce sont les femmes qu’il a nommées qui vont peut-être jouer demain les rôles essentiels dans cette quête du renouveau. On en reparle, tout de suite après la pub. ■