La raison majeure en est que, même si on y dépense pas mal d’argent, on en ressort enrichi parce qu’au-delà du commerce des produits d’un peu partout, cette foire transforme la marchandise alimentaire en lien social, en fête des sens, en vecteur de connaissance, et dans le plaisir, par le seul geste de la (dé)gustation et de la rencontre des autres –artisans, régions, villes, pays– derrière leur production d’excellence. C’est du sensualisme politique.
Il faut voir : des hectares de produits, des rues de jambons, des quartiers de pâtes, des venelles de fromages, des carrefours de traditions, des bastions de produits résistants…
et une centaine d’ateliers pour apprendre aux uns le vin jaune, aux autres l’extraordinaire lard de Colonnata, le Jabugo, que sais-je… et une oenothèque de 1500 vins européens à déguster. Et, dans un autre hall, à même le sol -belle idée- un immense marché du tiers monde autour d’espaces de parole et de réflexion, l’émotion après la profusion.
Foire internationale, oh oui, internationaliste même, où il s’agit de montrer que sur toute la terre-mère, avec des moyens et des fortunes bien différentes, l’élévation qualitative de la production agricole, artisanale, industrielle, alimentaire en tout cas, est une source d’élévation pour l’homme lui-même, qu’il produise ou consomme.
Dit ainsi, ça fait un peu solennel ;
mais avec une rillette de saumon et un Greco di Tuffo, ça passe mieux, quoique ce soit, en fin de compte, encore du commerce.
Mais de qualité et intelligent ; rien de vraiment médiocre. Si on vous refile un misérable croque-monsieur à 3 euros, c’est que vous êtes ailleurs.
Cette foire gastronomique, peut-être parce que le mot, ici pleinement justifié, leur a paru vieux jeu, s’intitule « Salon du Goût », et ce salon se tient tous les deux ans, en octobre, à Turin. J’y vais chaque fois, c’est un bonheur. Partagé par 250 000 visiteurs. En quatre jours. C’est organisé par Slowfood, je vous en ai déjà parlé. Ces gars-là peuvent être fiers de leur coup. C’est tout ce que je voulais dire.
