Décembre 2010 - Janvier février mars 2011
N°45Texte : Françoise Perrichet
Photo : DR
Le flou artistique made in Dijon, c’est quelque fois l’impression que donnent les centres d’Art contemporain de la ville. Quelques explications s’imposent sur les activités du Consortium et, comme ce numéro est un spécial « GIVRÉS »,
voici un architecte aux projets alambiqués pour un nouveau lieu dijonnais un peu fou et un hommage à un artiste un peu mystique.
Shigeru Ban, l’architecte japonais, n’est pas un inconnu. Dans le monde, il s’est fait un nom dès 1995 avec son église en papier à Kobe. Depuis 2002, le Nomadic museum, musée itinérant fait de containers et de carton, parcourt le continent américain. L’architecte se rapproche de nous en imaginant le centre Georges Pompidou de Metz. Sa structure en forme de chapeau en osier a fait le buzz, Metz n’est plus une ville grise et triste de garnison. Maintenant, grâce à lui, Metz est IN.
Plus près de chez nous et avant Metz, Pouilly-en-Auxois s’était déjà « offert » ce grand nom de l’architecture pour la Halle du toueur. Sa structure en carton avait fait s’arracher les cheveux à Jacky Dias d’Espace Couverture, le seul entrepreneur du coin assez fou pour relever le défi. À Dijon, Le Consortium lui commande ses nouveaux locaux, rue de Longvic. Le challenge est de construire un bâtiment fonctionnel, greffé à une usine existante des années 40 qui a une esthétique type industriel à l’allemande. Alors, des containers, du carton, du papier ? Rassurez-vous, ce ne sera pas qu’un origami, il y a surtout des murs en “dur“. Le Consortium était plus connu à l’étranger que dans sa ville, peut-être que finalement ça va changer…
C’est plus facile aujourd’hui d’entendre du bien du Consortium à New-York, parce que les artistes sont les principaux propagateurs de l’état d’esprit ! C’est notre grande force, on ne pourrait pas tenir 30 ans avec une certaine notoriété à l’extérieur si on n’avait pas la confiance des artistes de génération en génération.
« Mélusine en faillite », rue de Longvic : facile de faire de l’humour autour de l’art contemporain, mais plus question de rigoler, désormais !
Ce nouvel ensemble après travaux va vraiment devenir LE Consortium, l’endroit principal de ses activités : 4 500 m2, une grande salle liée à l’événementiel, d’autres présentant les expositions temporaires ou plus permanentes sur des périodes assez longues. Il faudra alors oublier jusqu’à son nom, l’Usine devenant aussi suranné que le Pauvre Diable (le « Bonheur des dames » dijonnais).
Le planning respecté des travaux ayant été respecté (oh surpise !), le bâtiment sera « livré » fin mars.
“On va disposer d’un espace conséquent, mais on sait que l’art contemporain est lui-même dévoreur d’espace. C’est donc la bonne taille, pour les œuvres, pour la relation du spectateur avec les œuvres. C’est un bâtiment suffisamment pensé en amont pour que sa gestion ne devienne pas une entreprise monstrueuse, incontrôlable.”
En effet, pas question pour Xavier Douroux, directeur du Consortium, de changer d’identité, de personnalité, ni de sacrifier l’indépendance du Centre d’Art. Le souci premier est de travailler en direct avec les artistes et de construire et d’entretenir une relation presque personnalisée avec le spectateur.
Xavier n’a qu’un rêve, une « non-ouverture » façon Alice aux pays des Merveilles. Qu’un jour ce soit ouvert et que l’on y découvre un ensemble d’œuvres d’artistes qui ont marqué l’histoire du Consortium, avec des propositions personnelles ou de circonstance. “Ce n’est pas totalement fixé et on ne sait même pas de quel budget on va disposer… La véritable folie serait d’envoyer de vraies clefs. Qu’un certain nombre de gens d’ici et d’ailleurs reçoivent la clef et qu’ils la laissent dans la boîte en sortant”… Surprise !
David Askevold
Canadien, il est un pivot de la scène artistique au début des années 70. Rencontré à l’occasion de la Biennale de Lyon et séduit par ses qualités humaines et l’originalité de sa proposition artistique, Le Consortium décide d’une rétrospective de cet artiste assez peu connu en France. C’est une grande première, un artiste mort, ça ne fait pas trop contemporain mais Askevold méritait cet hommage.
Son univers englobe la photographie, la vidéo, la musique mais aussi l’occulte, les rituels. La plupart de ses œuvres étant des installations, elles ont disparu. Anne Pontégnie, commissaire d’exposition a d’abord retrouvé les traces, les dessins. Elle réussit à présenter une quinzaine d’œuvres prêtées par des musées, des FRAC* ou des collectionneurs. Un hommage à Jackson and Snow, vous accueille dès l’entrée. Regardez bien les croquis, vous verrez peut-être apparaître à votre tour quelques fantômes… Vidéos expérimentales, distorsions sonores et autres photos insaisissables créent une atmosphère sombre et fantômatique.
Attention, David Askevold crée un univers d’où semble fuir toute signification stable. Le flou, le mouvant, l’obscurité et les ombres caractérisent ses travaux d’où émanent un trouble et une émotion, un humour noir, qui le distinguent des pratiques conceptuelles de son époque. Professionnel de la désorientation, vous risquez de perdre pas mal de repères, voire de glisser lentement dans le délire…
X.D. : “On va essayer de le réhabiliter, sinon il va passer à la poubelle de l’Histoire. Aujourd’hui nous avons la chance que Mike Keley et Tony Oursler, ses élèves, soient toujours vivants et qu’ils soient des chambres d’écho formidables en disant : cet homme a été important pour nous”.
Exposition jusqu’au 13/02/2011
Le Consortium – 16 rue Quentin
*FRAC : fond régional d’art contemporain