Printemps 2015
N°62Par Gérard Bouchu
et Françoise Perrichet
C’est à David Liot, le nouveau directeur des musées, que revient la tâche de donner un coup de jeune à cinq institutions en mal d’amour, sinon de public. Pour gagner le pari de faire de la ville-musée un musée éclaté dans la ville, d’ici 2019, quelques pistes, et un peu de hors-piste.
Un nouveau printemps pour les musées dijonnais ?
C’est le souhait en tous cas formulé par Christine Martin, adjointe à la culture, et David Liot, le nouveau directeur des musées.
C’est un joli poisson que nous a fait la ville de Dijon avec l’arrivée le 1er avril de David Liot aux commandes des musées de la cité des Ducs.
David Liot est le nouveau conservateur “en chef”. Dit comme ça, ça ne vous incite pas à continuer à nous lire, alors que vous sirotez tranquillou votre café à la terrasse du MBA, le Musée des Beaux-arts, dont on nous annonce la fermeture prochaine, en partie du moins, pour la suite de son lifting.
Conservateur ? Oublions ce vilain mot. Passeur interrelationnel serait plus juste. Pas plus compréhensible ? Disons alors simplement que David Liot est, depuis le 1er avril, le directeur de cinq lieux emblématiques de la vie dijonnaise, où la moitié d’entre nous n’ont plus mis les pieds depuis des mois, des années, peut-être. Outre le MBA, il y a bien sûr les trois musées dits archéologique, d’art sacré et de la vie bourguignonne, qu’on a tant aimés et si vite oubliés, au fil des ans et aussi le musée Rude, le plus petit de la ville, même s’il possède les œuvres les plus grandes.
Si vous en êtes au stade où vous vous demandez où ils se trouvent, ces quatre là, ce n’est pas grave, ne pleurez pas sur votre café, à moins qu’il soit trop serré. Vous vous êtes juste mis dans la peau d’un touriste moyen, cherchant désespérément son chemin entre le MBA, facile à trouver, et les deux musées de la rue Sainte-Anne, une des plus tristes de la ville, ou poussant jusqu’au musée archéologique, oublié à l’ombre de Saint-Bénigne et à deux pas d’une place Darcy bien vivante, elle.
Depuis des années, Christine Martin, l’adjointe à la culture, se bat pour donner une vision plus glamour de la ville de pierre, une vision où l’art contemporain guiderait nos pas dans le passé. Il fallait attendre peut-être l’arrivée d’un Rémois à l’esprit pétillant pour concrétiser l’envie de changement. Un joli garçon qui a fait très forte impression auprès de ces dames (!).
Rendre Dijon désirable
David Liot a été choisi pour son enthousiasme et son approche universaliste. Partisan du dialogue et de la diversité, il dit lui même : "Je n’aime pas les cases." Il a à l’esprit de réinventer les musées et de les ouvrir afin qu’ils deviennent des lieux d’expérimentation, des laboratoires… Son premier constat, en se promenant de musée en musée, fut de remarquer le peu de chaleur à l’entrée de ceux-ci. Bon, les Beaux-arts, on en parle à peine, les travaux vont recommencer. Pas question de faire sauter les grilles du rez-de-chaussée, face à la galerie de Bellegarde, mais on peut espérer voir enfin des œuvres et de la vie envahir un jour prochain les lieux. D’autant plus que la dernière tranche verra s’ouvrir le musée du côté de la place de la Sainte-Chapelle ET de la cour intérieure à l’horizon 2019. Un vrai accueil, traversant, clair, c’est comme ça qu’on se l’imagine.
Le musée Rude, ouvert surtout en été et à quelles heures déjà ? Le musée archéologique, pourtant entouré d’un beau parc, donne le ton de sa collection avec son passage obligé par la cave via une entrée planquée au fond à droite.
Le musée de la vie bourguignonne avec des atouts incroyables - un cloître magnifique, plusieurs cours classiques et un jardin, des accès sur trois côtés -, ne se livre que bien peu. Quant au musée d’art sacré, il faut s’appeler Ariane pour en trouver la porte. Ou en connaître une, pas gagné.
"Les musées font souvent peur au public" dit-il, alors si en plus personne ne trouve l’entrée ! C’est un de ses challenges. Avec son regard neuf venu d’ailleurs, il aimerait entreprendre une démarche hors les murs, affirmer la spécificité de chaque lieu et créer du lien entre l’intérieur et l’extérieur. "Les musées sont passeurs de savoir et c’est vrai que le public s’y rend comme dans une église, y cherche une espèce de recueillement". Plus tard, il avouera aussi : "Les musées, c’est ce qui reste de rassurant et de stable dans un monde instable"
Cela n’empêche pas l’ouverture. "Tout doit pouvoir communiquer et l’art contemporain peut aider à désenclaver ces magnifiques endroits." De quoi mettre du baume au cœur de l’adjointe, qui nous promet pour bientôt une déambulation portée par le spectacle vivant, la poésie, la danse contemporaine, dans une ville traversée par différents courants d’art, et plus seulement par des courants d’air. Vivement l’été, qu’on puisse aller se rafraîchir les idées, dans des lieux où il y aura aussi des chaises longues pour buller, un salon de thé exotique pour grignoter, un food truck à la sortie pour reprendre des forces.
Si Dijon veut jouer une carte touristique forte, le combat passe par la mutation de la ville-musée en une ville où l’on s’éclate, dans la rue comme dans ces lieux qui ont tous une richesse, une force d’attraction parfois insoupçonnée. Mais c’est le genre de combat qui ne semble pas faire peur à un David Liot, d’autant plus qu’il aura à ses côtés Christine Martin, qu’aucun Goliath n’a jamais terrorisée.