67
Magazine Dijon

Été 2016

 N°67
 
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04

VIP

Enki Bilal à Semur-en-Auxois

« C’est aux nouvelles générations de changer les choses. Nous, on a failli. »

Pour la première fois, les oeuvres d’Enki Bilal, auteur de BD qu’on ne présente plus et peintre français vivant le plus coté après Soulages, furent projetées en avril sur les murs d’une ville, des immeubles de Semur-en-Auxois aux remparts en passant par l’église Notre-Dame. Rencontre avec un artiste tourné, comme la Bourgogne, vers l’Est.
Enki Bilal dans son atelier


Enki Bilal

BING BANG : Comment vous définir ?

ENKI BILAL : A dix ans, en arrivant en France, je découvre une langue qui me passionne et la bande dessinée franco-belge. La littérature, l’écriture, le cinéma ont ouvert mon parcours artistique.

Une œuvre politique ?

Etre né dans les Balkans sept ans après la guerre grave dans le disque dur de l’enfance quelque chose qui relève de la vigilance. Dans la culture française que je côtoie et que j’adore, je trouve un manque, celui du regard vers l’avant. Nous sommes sur le présent, le passé et l’écrit, peu sur l’imaginaire. La prospective ne fait pas partie de la culture française comme elle fait partie des cultures anglo-saxonnes ou russe.
Comme l’écrivain Sylvain Tesson, pensez-vous qu’en tournant le dos à l’Est, la France se coupe de son avenir ?
Ce que l’’Europe est en train de rater, c’est la Russie. C’est une grave erreur de la mépriser à ce point. Elle est le prolongement de l’Europe. La richesse de la culture russe est immense. Il fallait faire de Vladimir Poutine et de la Russie des alliés plutôt que des ennemis. Ca rejoint les grandes balades de Sylvain Tesson. C’est vrai, il a raison.

Votre héritage slave : son optimiste mélancolie ?

Forcément. Amener au contact des cultures qui semblent opposées produit de la richesse et de la réflexion. Arrivant d’une enfance à Belgrade, confronté à un nouveau monde démocratique occidental, ne sachant pas que l’Algérie existait, je découvre que la France est en guerre avec elle. Cette passion géopolitique se retrouve dans mes travaux les plus intimes. L’homme confronté à un système politique. Nous sommes des individus, rarement nous sommes libres.
Par amour, on peut courber le sens de l’histoire…
L’amour, la sensualité sont des protections mais on ne peut pas renverser de montagnes avec ça. Nous sommes au bout d’un système financier, politique, culturel. Une génération arrive avec ses nouvelles technologies : cette rupture radicale entre les moins de trente ans et les plus de quarante sera profitable à la société.

Etes-vous fasciné par l’esthétique de la ruine
et le transhumanisme ?

J’ai vécu dans une architecture socialiste qui n’était jamais tout à fait terminée. Tito a empêché les ravalements pour que Belgrade porte les stigmates de la guerre et du nazisme. Je préfère cette architecture dégradée à celle tracée à la règle.
Je prépare un film qui parlera du transhumanisme. Une mutation gigantesque, on n’imagine pas jusqu’où ça va pouvoir aller. Je ne suis pas obsédé par l’immortalité mais il est passionnant de suivre ces recherches. Il faut rester vigilant, ces révolutions sont à double tranchant.

La fin de l’homme ?

C’est le sujet de mon prochain film. Le monde sans nous. Dans mes livres, j’ai pointé du doigt l’obscurantisme religieux en m’inspirant des talibans, et la réalité s’est inspirée d’eux. C’est aux nouvelles générations de changer les choses. Nous, on a failli. Les politiques, sur des modèles anciens, se sont exclus de la mutation. Les cinquante ans à venir vont ré-enclencher, ou pas en cas de catastrophe, un nouvel espoir. ■ O. Mouchiquel et Z.Theurel

Expo Enki Bilal au Musée de Semur-en-Auxois :

3, rue Collenot à Semur en Auxois,tous les jours de 14h à 18h sauf le mardi, jusqu’au 2 octobre.
www.ville-semur-en-auxois.fr


 
 

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