hiver 2012 2013
N°53Le luxe,
On en fait tout un plat
Non, on n’a pas abusé du vin chaud, en terrasse, ce mois de décembre, en regardant la grande roue animer joliment la place Rebs (nouveau vocable pour la place de la Rép !) ou les gosses tourner sur la patinoire place de la Lib. Simplement, sachez que ces sacrées terrasses ont échauffé pas mal d’esprits, du côté des restaurateurs membres ou non de l’UMIH que nous avons rencontrés ces derniers mois.
Comme on ne veut pas vous gâcher les fêtes, vous qui êtes concernés par les terrasses, en tant que propriétaires et surtout en tant qu’usagers, on a demandé à notre Maître-Capello local de faire un point, pour placer le débat sur le plan juridique. Sur le plan politique au sens strict, rappelons simplement que la ville de Dijon a décidé de faire payer cher, selon les intéressés, l’occupation du sol et l’installation de nouvelles terrasses, à partir de janvier 2013. Très cher ? Trop cher ? Personne n’est d’accord sur le sujet, la mairie voulant rentrer dans ses frais, et les autres ne pas en être pour leurs frais.
Maladresses d’un côté, grognes des intéressés de l’autre, il va falloir trouver un accord si on ne veut pas voir la moitié des terrasses dijonnaises baisser pavillon, ou se retrancher sur quelques mètres carrés seulement, pour éviter de payer des sommes qui font froid dans le dos, pour celles qui sont les mieux placées évidemment. Affaire à suivre…
■ GB
Ce qu’il faut bien comprendre, c’est que d’un point de vue juridique, il y a une énorme différence entre le bail commercial et le droit de stationnement des terrasses.
L’exploitant d’un fonds de commerce bénéficie, pour l’usage de son local, du statut protecteur du bail commercial et des dispositions du code du commerce (art 145-1 et suivants). Ce statut prévoit notamment une durée minimale de 9 années et un droit au renouvellement à l’échéance du bail - sous certaines conditions certes - avec une contrepartie financière qui est l’indemnité d’éviction. Ainsi le propriétaire ne peut résilier le bail sans verser un montant égal au préjudice causé soit par la disparition ou par le déplacement de son fonds de commerce.
Au contraire, l’occupation du domaine public (une terrasse par exemple) est régie par le code général de la Propriété des Personnes Publiques CG3P et repose sur un droit qui est à la fois personnel (attaché à la personne et non au fonds de commerce… et par conséquent non transmissible), temporaire (durée très courte), précaire et révocable (ce qui exclut tout droit au renouvellement).
Nous devons considérer également que la terrasse est attachée au local soumis au bail commercial et qu’elle en constitue une extension. Car c’est bien l’emplacement et le linéaire de la vitrine qui détermine la possibilité de disposer d’une terrasse en façade du local. Il est alors d’usage de valoriser l’usage de la terrasse dans le calcul de la valeur locative.
Au final, l’exploitant paie deux fois sa terrasse : au propriétaire du local et à la commune.
Les évolutions au cours des dix dernières années bousculent l’équilibre économique des établissements. Avec l’interdiction de fumer dans les lieux publics et la piétonisation des centre-ville, la terrasse n’est plus seulement un avantage, c’est devenu une nécessité. La tentation était grande de fermer et de chauffer ces espaces couverts pour prolonger leur utilisation durant l’année. Toutefois, si la superficie des terrasses sur Dijon a été multipliée par 6 en dix ans, le chiffre d’affaires n’a pas suivi la même progression. En revanche, la répartition des recettes est aujourd’hui différente : quand la terrasse est pleine, la salle est aujourd’hui vide !
Cela n’a d’ailleurs pas échappé à la sagacité de nos élus qui y ont vu un moyen d’accroitre les recettes municipales en taxant davantage les espaces publics. Car ce n’est pas le climat clément de nos contrées, avec un ensoleillement particulièrement généreux et une faible pluviosité, ni même le réchauffement climatique qui ont été mis en avant pour justifier la mise en place d’une tarification la plus élevée en France.
Avec une partie de la clientèle davantage attirée par la terrasse que par l’établissement et un chiffre d’affaires plus important réalisé sur la terrasse - qui ne bénéficie d’aucune protection juridique - on peut s’interroger sur l’incidence du relèvement substantiel des redevances et surtout la création de la taxe d’installation qui sera payée systématiquement par le repreneur lors du changement du dirigeant et ce sans aucune contrepartie ! Cette mesure dailleurs penalisera davantage les exploitants actuels que les repreneurs qui integreront ce parametre dans le prix de vente.
Je ne crois pas que ce soit dans l’air du temps. Mais il faut considérer aussi que l’exploitation d’une terrasse est plus compliquée ; le trajet de l’assiette entre la cuisine et la table est plus important - il faut parfois traverser la rue - et cela nécessite d’avoir du personnel supplémentaire avec les risques également de la météo.
Au final, on peut penser que le coût se répercutera en partie dans l’addition du client… Et pourquoi ne pas imaginer un tarif ‘Terrasse’ comme cela se pratique dans certaines régions. Le luxe serait alors de pouvoir s’offrir un verre en terrasse pour avoir le droit de fumer… et de profiter de notre microclimat bourguignon !
On regrettera en revanche labsence dune etude prealable sur la frequentation pour justifier les differences tarifaires entre les zones.
A titre dexemple, une terrasse en dur place de la republique coutera 18.000 euros par an et la municipalite percevra 42.500 euros a chaque cession...