Hiver 2018-2019
N°77Il y a 600 ans…
Philippe the Good, c’est le nom que les visiteurs anglais découvrent sur les brochures de l’office de tourisme, et qu’on va garder tout au long de cette année où l’on célèbrera l’année de sa montée sur le trône, après la mort peu glorieuse de Jean Sans peur, en septembre 1419, à Montereau. En ces temps pollués par le Brexit, il est de bon ton de rappeler que nos bons Ducs étaient potes avec les Anglais, plus qu’avec le petit roi de France.
On ne va pas vous conter ici l’histoire des quatre grands ducs d’Occident dont le règne fut digne du plus fabuleux des feuilletons. Quatre personnages étonnants, donc, que la renommée affubla d’un qualificatif qui devrait considérablement aider à s’y retrouver : le bon (Philippe, comme il est écrit), la brute (Charles le Téméraire) et le truand (Jean sans peur), sans oublier le hardi (Philippe, comme il est écrit, là encore).
Car ces quatre-là étaient dignes, pour les entourloupes, les traitrises, leurs rêves d’amour ou de gloire, d’entrer dans l’histoire par la grande porte (ils n’aimaient d’ailleurs que les « joyeuses entrées » ayant du panache, lorsqu’ils arrivaient dans leur bonne ville !).
Des quatre Grands Ducs d’Occident, on se souviendra surtout des banquets qui faisaient saliver le bon peuple, et de certains épisodes hauts en couleurs, riches en trahison.
Il faudrait toute la magie de la 3D pour restituer l’atmosphère de l’ancienne salle des festins au temps où les ducs accueillaient ici leurs familiers pour des fêtes d’un luxe inouï qui réunissaient jusqu’à un millier de personnes. Précisons : des centaines d’hommes et de femmes au service d’une poignée d’heureux élus... C’était l’époque où flamboyait la Toison d’Or, où la Bourgogne s’étendait jusqu’à la Flandre maritime et où le cellier (devenu aujourd’hui salle des mariages !) renfermait des splendeurs !
Difficile d’imaginer l’activité qui devait régner dans les étages, quand les Ducs passaient par Dijon pour faire bombance. Six chambellans pour battre les draps afin que le duc ne trouve pas de scorpions dans son lit, et autant de goûteurs pour éviter les poisons. Ce n’étaient pas seulement quelques plats qui étaient soumis à la dégustation, et on se sait pas s’il y eut ou non de réelles tentatives de meurtre. Les archives ont conservé uniquement la trace des grands banquets, et des achats réalisés en vue de montrer à tous le pouvoir de ces grands Ducs qui régnaient sur une grande partie de l’Europe.
Désormais vidées de leurs odeurs, des fumets autant que des fumées, les cuisines ducales témoignent, avec leurs grandes cheminées, de l’importance des festins donnés ici même. Des festins pantagruéliques, où était mis à l’honneur le vin de Bourgogne, dont on a du mal à imaginer aujourd’hui la qualité et même la couleur. ■ GB