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Magazine Dijon

Début 2012

 N°49
 
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à boire et à manger

Des plats qui réchauffent ! Cet hiver, grand retour aux sources de la cuisine familiale

La Bourgogne se sent de nouveau bien dans son assiette. Ouvrez le ban. Un ban bourguignon bien sûr, qui fait passer ceux qui l’exécutent, au Clos Vougeot ou dans toutes les grandes fêtes vineuses, pour de gentils demeurés et monter la moutarde aux nez de ceux qui préfèreraient boire leur Kir en paix, tout en avalant gougères et jambon persillé.
Aujourd’hui, les lieux « lounge » ont plus de souci à se faire que les bistrots à l’ancienne, qu’ils soient vrais ou faux, ou les bars à vin, surtout s’ils sont tenus par de vraies trognes. On regrette plus que jamais la disparition des douces escales d’autrefois dans des bourgades paisibles où l’on se régalait d’escargots, de jambon persillé et de coq au vin, avant d’attaquer l’Epoisses pour finir, plutôt que sur un dessert, par un vieux marc. Les plus inquiets ont fermé leurs portes, les plus malins ont tenu le coup. Et l’histoire leur a donné raison.
Car les temps ont changé, mais pas vraiment les Bourguignons. « Il faut voir à voir ». Ce qui est valable pour les communications l’est aussi pour la politique et la cuisine. Cet hiver, discuter politique sera de rigueur et évoquer la rigueur sera très politique, parlons donc de cuisine, et pas de cuisine politicienne, pour une fois.


La famille Vincenot au grand complet dans les années 50

Le pape des escargots

Petite anecdote datant de mes débuts dans le métier, quand je bossais encore pour le plus grand quotidien de Bourgogne : alors que toute la France ne rêvait que de Nouvelle cuisine, nous nous étions retrouvés en train de déjeuner dans un bistrot, à Sombernon. L’appétit pourtant aiguisé par une matinée bien remplie, nous avions eu du mal à finir l’assiette de charcuterie et les oeufs en meurette. Un vieux Bourguignon moustachu assis à la table voisine, qui nous écoutait mine de rien, avait saucé religieusement son assiette avec le pain de campagne.
Voyant nos sourires, il nous donna, avec un humour et un accent qui allaient devenir célèbres, une leçon d’art de vivre à la bourguignonne, nous apprenant ces bases essentielles que sont, ici, le lard, le vin, la crème -
la vraie, épaisse, onctueuse, qui ne soit pas de « la vaseline liquide » -... et la conversation ! La sienne était passionnante, la France entière allait le découvrir peu après dans une émission d’Apostrophes haute en couleurs, où il raconta comment la madeleine avait pour lui le goût de la fiente d’un jeune chevreuil, mélange de noisettes, de champignon, de mousse, de mûres sauvages. Ce jour-là, attablé chez son fils, qui nous servit ensuite un solide boeuf bourguignon, Henri Vincenot nous parla d’un temps que les moins de vingt ans ne pouvaient pas connaître.
Se moquant gentiment de la docte Confrérie des Cordons Bleus, qui tenait ses assises chaque automne à la Foire de Dijon et recommandait à ses ouailles « d’utiliser notre cuillère à sauce », il lâcha cette phrase que l’on retrouva si souvent écrite depuis : « La Bourgogne, c’est comme le cochon. Tout se mange ».
C’est à « l’Henri », dont on célèbrera le centenaire en janvier, que l’on dédie ce cahier spécial « à boire et à manger », réalisé avec la complicité de sa fille Claudine Vincenot.

Pays sages de Bourgogne

Retour au terroir ? Retour au pays, tout simplement. Même après des années de vie parisienne, l’enfant élevé en Bourgogne retrouve, sitôt passé la frontière au nord d’Auxerre, les « souvenirs éblouis d’un chasseur d’escargots, d’un gobeur d’oeufs, d’un buveur de crème et de vin nouveau, d’un pêcheur de fritures, de grenouilles et d’écrevisses, d’un dévoreur de grattons et d’escalopes grandes comme la main, d’un cueilleur de fruits rouges, de noisettes, de champignons et de raisins. »
Dans « Cuisine et Paysages de Bourgogne », Dominique Balland se souvenait avec nostalgie de ce « pays de B.O.F. » (traduisez : Beurre-Oeufs-Fromages) où l’on « met la crème à toutes les sauces, celles qui accompagnent la volaille, les escalopes, le poisson, les champignons, le fromage blanc, les fraises ».
Les fermes, les poulaillers, les prés restent les premiers fournisseurs de la cuisine du trompettiste Thierry Caens, un des grands ambassadeurs de la culture bourguignonne à travers le monde, depuis trente ans, qui n’est jamais aussi heureux que lorsqu’il revient chez lui, à l’ombre de l’église de Fixin, retrouver famille et amis autour d’une table mise à la bonne franquette. Après une ènième tournée au Japon, il posera bagages et trompettes pour faire la fête, cette fin d’année, avec ses amis vignerons, fête obligée par le calendrier ou improvisée, le plus souvent (voir plus loin)

A la mode de chez nous

La cuisine du terroir, ici, n’est pas une mode nouvelle. Petits légumes du Val de Saône, cassis et framboises des Hautes Côtes, volailles de Bresse, boeufs du Charolais, porcs du Morvan, gibier... Tous les toqués de cuisine, inconnus ou célèbres, ont l’embarras du choix. Sans parler de ces escargots à qui l’on ne risque guère d’accorder une appellation d’origine. Adieu Helix Pomatia, bonjour « gros-gris ». Avec de l’ail, du persil et un doigt de vin blanc, on ne voit guère la différence. Et cet ancien plat du pauvre fait toujours le bonheur de tablées entières qui ne se doutent guère qu’elles continuent une tradition qui remonte aux grands ducs d’Occident, épices en moins, peut-être.

Ces grands ducs qu’il est toujours bon de citer dans la conversation, en Bourgogne, même s’ils ont passé peu de temps ici, en dehors du jour de leur naissance et, parfois, celui de leur mort. Du moins ont-ils, par leurs fastes, leurs banquets, inventé les relations commerciales et fait trinquer l’Europe entière à la santé de la Bourgogne, avant que d’autres petits malins reprennent le flambeau, au chateau du Clos Vougeot. Ce sont à eux qu’on doit de fêter la Saint-Vincent tournante fin janvier, entre Dijon et Beaune, même si les climats ne sont pas toujours à la fête. On a réussi à avoir le programme in extremis, la communication n’étant pas, c’est un comble, le fort de ces rois du ban bourguignon.

De Vincenot à Kir

Le designer Fornasetti, à qui Beaune doit cet hiver une exposition d’une dimension internationale inhabituelle, a pu s’imaginer, en assistant à un chapitre animé par la Confrérie des Chevaliers du Tastevin, que les Bourguignons étaient tous de joyeux enfants, levant les mains en cadences pour le fameux ban. Le bourguignon est de nature plus réservée, il vous accueille dans ses caveaux, sourire au lèvre et verre à la main, si vous l’avez prévenu. C’est dans sa nature de ne pas aimé être surpris, comme la maitresse de maison que l’on prévient à midi moins le quart d’une arrivée intempestive. Ce n’est pas la petite fille de Vincenot, à qui on doit nombre de recettes de son grand-père, réunies dans un ouvrage souvent réédité, qui nous dira le contraire.

C’est dans la cave, n’en déplaise aux puristes, que vous aurez le plus de plaisir à goûter des gougères croustillantes, avec un aligoté encore vif, pas encore dénaturé par le cassis. Le Chanoine Kir n’a pas inventé la boisson qui porte son nom, mais reconnaissons à ce « héraut » bourguignon l’incroyable mérite d’avoir popularisé le fameux mélange - 1/3 cassis, 2/3 aligoté - qu’il offrait à tous ses visiteurs, aux Cuisines Ducales.
Ce n’est pas un hasard si on a demandé à une autre figure dijonnaise célèbre, l’acteur François Chattot, de jouer le rôle du chanoine. François aime le vin, la vie, ça promet. Le temps est venu de redécouvrir Kir, comme de comprendre Vincenot, au-delà des clichés. Pas seulement parce qu’on est en hiver et parce qu’en temps de crise, on aime revenir sur un passé qu’on imagine toujours un peu plus réjouissant. Quoique… en attendant le printemps, un peu de nostalgie ne peut pas faire de mal.

Gérard Bouchu


 
 

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