Avril 2008
N°34Texte : Gérard Bouchu
Photo : DR
Trois chefs, jeunes, dynamiques. Trois adresses emblématiques de Dijon et de la côte des vins entièrement relookées. Trois symboles forts d’une gastronomie bourguignonne sortie de sa coquille pour s’ouvrir au monde des saveurs actuelles. Enfin !
William Frachot, le jeune chef-propriétaire du Chapeau Rouge, a réussi un joli exploit. Son pari n’était pas gagné d’avance, si l’on se souvient des expériences malheureuses tentées par d’autres jeunes chefs français, transformant une vieille institution régionale pour plaire aux guides Michelin ou Gault&Millau, avec comme seul résultat visible de lui faire perdre son âme. On les retrouvait, avec une jeune femme déguisée en sapin de Noël à l’accueil et des serveurs au garde à vous, guettant l’étoile lointaine ou l’arrivée d’un des derniers éléphants de la critique gastronomique, tout en surveillant le passe-plat. À tout cela le Chapeau Rouge nouveau a échappé. On savait que William F. avait du caractère, il a prouvé ici qu’il avait en plus de l’intelligence et du goût. On disait de lui, à son retour sur Dijon, qu’il allait casser la baraque : il l’a fait, mais dans le bon sens du terme…
Le vieux repaire de notables est devenu un des lieux les plus « tendances »
de la ville, sans que les gastronomes y trouvent à redire, ce qui n’était pas évident. Un cadre qui colle à son temps et à l’assiette, qui continue d’évoluer vers l’épure, la recherche des saveurs franches. De la mousse, mais pas dans les verres (la cuisine moléculaire n’épatant plus personne !),
seulement sur un coin de table, et du blanc, du noir, du vert clair. Beau travail sur la lumière, la couleur, les volumes. Oubliés les tableaux au mur qui faisaient frémir, les attitudes compassées autour des tables. Le lieu est zen, le service plus détendu, le nappage des tables moins rigide, même la nature retrouve ses droits, côté déco comme côté assiette. Chapeau !
Casser l’interdit, plus que la baraque. On reviendra bientôt sur ce qui sera l’événement de ce printemps. Sept ans après la reprise de cet ancien routier, et après avoir, comme William Frachot, obtenu son macaron Michelin en 2004, Laurent Peugeot, tout comme son collègue dijonnais se prépare pour obtenir le second, en 2009. Une table d’hôte en cuisine, qui fait parler, une cuisine qui surtout ne se cache plus, se visionne sur fond d’écran, pour donner le ton maison. Une salle habillement mise en scène par un chef qui va chercher ses idées parfois très loin, une déco en mutation qui joue sur la lumière, la surprise, le visuel… Les serveurs ont tombé la cravate, et portent des baskets Puma aux pieds. La clientèle aussi, qui continue ici de voyager, comme elle le fait dans le reste du monde. La Bourgogne change, enfin !
Pourquoi casser la baraque quand on reçoit pareil héritage ? Parce que, justement… En quinze ans, ce petit-fils d’émigré s’est fait une place au soleil sans faire de l’ombre aux autres. René Pianetti ne court ni après la gloire, ni après l’argent. S’il n’avait pas cette « grosse machine »
à faire vivre, il travaillerait en Asie, dans un grand hôtel. Mais voilà, c’est sa maison, il l’a déjà transformée, de la piscine aux chambres et aux suites, vraiment réussies (mention spéciale à la « Pop Art » et à la « Zen »). L’intérieur avait vieilli, ses fauteuils étaient passés de mode, s’ils l’avaient jamais été. Lui aussi a voulu créer un lieu japonisant, pour se changer les idées. Dans les tons marron-beige actuels, avec des touches plus vives ici et là. Et sa cuisine maligne, bien dans l’air du temps, s’est encore plus coulée dans le moule. Même à midi, avec son incroyable menu à prix doux, qu’on déguste perché ou non près du coq fétiche de la maison.