automne 2015
N°64Cerise a réalisé son rêve de gosse. À 22 ans, Cerise Pouillart et ses quatre copines, les Ladies Ballbreaker, ont joué sur la scène légendaire du Hellfest.
Leur show AC/DC féminin cartonne : elles partent en tournée européenne début décembre. Et à Bing Bang, on aimerait bien les voir un jour passer à Dijon.
CERISE POUILLART : J’étais photographe à Dijon. Il y a un an et demi, j’ai perdu la vue. J’ai arrêté de travailler. J’aimerais continuer mais je n’ai pas encore retrouvé la vue. La vie s’est bien goupillée, c’est arrivé au moment où le groupe commençait à marcher.
A 12 ans, je passe chez une amie dont le père, fan de rock’n’roll, regardait des clips d’AC/DC. Je suis tombée amoureuses du groupe. Deux ans après je tannais ma mère pour faire de la batterie. Elle a refusé, m’a acheté une guitare pour Noël. Je joue depuis mes 14 ans en regardant les doigts des guitaristes sur les lives.
Je me rappelle le jour où je me suis réveillée un matin, où c’était nettement pire que la veille. Cinq jours après, nous avions un concert. Le premier concert de malvoyante que j’ai fait, ça a été l’enfer. C’était déjà l’enfer dans ma vie tout court, alors quand tu es sur scène dans une cave, que tu as les lights dans la tronche, que tu t’entends mal, il m’a fallu un temps d’adaptation. C’est désormais une force, je n’ai quasiment plus besoin de regarder mon manche. C’est cool, ça m’a aidée à lâcher prise sur le contrôle de mes doigts.
Il y a une phase de curiosité. Les gens voient cinq meufs arriver sur scène déguisées en bonnes sœurs, faire des trucs chelous. A la fin, ils sont super contents d’avoir vu cinq filles envoyer les bonnes vibes et s’éclater sur scène.
Il faut toujours être à fond. Comme tout boulot qui est une passion, tu le fais nuit et jour, mais c’est du bonheur. On galère toutes, mais ce que nous vivons est plus payant que l’argent.
Elle me soutient beaucoup. Il m’est arrivé quelque chose d’assez dur l’année dernière. J’ai vingt balais, je perds la vue. Je ne me sentais pas capable de retrouver un travail en étant malvoyante, à part la musique. C’était un signe de la vie : je perdais la vue, mais elle me faisait ce cadeau de réaliser mon rêve de gosse... Si aujourd’hui je ne vois pas grand chose, ce n’est pas grave, ça m’apporte tellement. De ne rien voir, tu es obligée de lâcher prise, te faire aider par des gens. Tu fais des rencontres formidables, tu vis des situations très drôles et tu ris beaucoup. Si tu ne prends pas ça comme la vie te l’offre, tu vas plonger. C’est un handicap dans des moment où il est moins dangereux de voir, mais sur scène je n’ai pas d’hésitation. Le corps humain s’adapte vite, parce qu’on est en mode survie.
On voulait un nom qui rappelle qu’on est des filles, donc Ladies. Ballbreaker est un clin d’œil à un album d’AC/DC. C’était parfait : une fille, de base, c’est casse-couilles, et nous, on l’est encore plus.
J’ai toujours fait mes choix par instinct. La photo et la musique. Je ne me sentais pas capable de refuser ces envies qui venaient de moi. Si tu rates, c’est que tu devais rater, mais on n’a qu’une vie, il faut toujours essayer... pour voir.
■ Propos recueillis
par Olivier Mouchiquel
Contact : Facebook Ladies Ballbreaker.