Octobre Novembre 2009
N°40Texte : Jean Maisonnave
Photos : DR
Qu’elle soit industrielle, artisanale ou commerciale, la zone c’est la zone… On n’y va pas manger pour l’émotion, à moins d’être pervers polymorphe. On n’y invite pas sa nana, où son mari, sauf si on veut s’en débarrasser. On mange là parce qu’on y est, et pas toujours pour de bonnes raisons ; parce qu’on y travaille, ou pas loin ; parce qu’on y fait ses courses ; bref, pour participer avec entrain à l’accumulation du capital ! En tout cas, pas pour suçoter un sorbet à la truffe face au crépuscule.
On peut dès lors se poser la question. Pourquoi y envoyer un critique gastronomique ? Nous nous la sommes posée, la question ;
d’autant que personne ne se battait pour y aller. Et nous nous sommes répondus, non sans grandeur : justement !
Parce que ça gagne bien. Parce que la question de savoir si le plaisir peut adoucir la nécessité est pratiquement contributive de la condition humaine. Parce que la noblesse de ce métier n’apparaît jamais si clairement que lorsqu’on l’exerce dans des conditions difficiles. Suffit d’adapter les critères.
Consécutivement, voici les résultats de notre enquête. Le sujet est loin d’être épuisé, la suite quand on sera remis.
Que dire ! Les bras ballent, la pupille s’écarquille, on se demande ce qu’on fait là : on est hors sujet. On cherche le positif ; la gentillesse enjouée de l’accueil, le vin de propriétaire, l’allée arborée qui mène au CFA. Et les prix, voilà les prix. La question n’est pas ce que ça vaut, mais ce que ça coûte. Pour le prix du petit menu chez Loiseau, on restaure ici une association ou un congrès de Radicaux. Et si on bosse dans une entreprise du secteur, elle n’a peut-être pas de cantine ; on ne peut pas rentrer chez soi, il faut tenter de vivre. Si c’est le cas, optez pour la formule « charolais », la plus chère (15 €, boisson comprise) et n’en sortez pas ; c’est le règne du tout fait, de la purée au fond de tarte. Il doit y avoir une cuisine derrière, puisqu’on grille et qu’on assemble, il en faudra toujours une, même minimale, Métro ne pourra pas nous enlever ça. A deux pas, on forme de jeunes marmitons, peut-être un futur étoilé. Longue vie à la cuisine.
8 Chemin de la Noue – Longvic
Tél : 03.80.65.29.47
Formules de 10 à 15€- Carte : 20 € environ –
Midi Seulement
La vue imprenable qu’on a de la jolie terrasse, ouverte sur les établissements Picard, donne un certain relief à la déclaration liminaire de la carte : nous sélectionnons les meilleurs produits d’Italie. C’est bien le produit, en effet, qui est au cœur de cette cuisine lumineuse et simple. En vertu de quoi, ici, on ferait bien d’évacuer le faux balsamique, la raide et inepte mozzarella qui font offense aux vrais et à ceux qui les font bien. Le reste est mieux, le jambon de Parme est même suave. Mais il faut reconnaître que l’essentiel est quand même dans l’image, du décor à colonnes cannelées aux assiettes constamment ornées de mesclun aux pignons, plus l’inévitable balsamico. Car pour être simple et solaire, cette cuisine appelle l’exactitude des cuissons, pâtes, légumes, viande. Le tarif est assez bas, avec un menu à 13,50 € : mortadelle, pâtes, boisson, qui laisse tout de même une belle marge, on n’insistera pas. Le succès public de cette cantine de charme perdure et dans le quartier, ce n’est pas la pire : elle donne du pittoresque la nécessité ; les vins justifient leur prix, surtout ceux du Sud, et le service est d’une internationale gentillesse.
1 rue du Commerce – Quetigny
Tél : 03.80.71.04.40
Menu à 13,50 € – Carte : 24/30€.
P.S. : Petite boutique avec des vins pas bien chers et intéressants . Egalement huile d’olives
Le quartier a la sensualité joyeuse d’un discours de Kim Jong-il. On s’étonne de ne pas y trouver de miradors. De toute façon, on ne vient pas là en villégiature ; on y vient pour travailler, pas toujours de son plein gré. A midi, il faut récupérer la force de travail, avec plaisir si possible ; faute de quoi le mécano devient bougon, l’attachée commerciale moins entreprenante. Cette seconde « ruelle » peut y aider. C’est la jeune sœur de celle du marché, en moins plantureuse, en plus fonctionnelle. A quatorze heure moins dix, tout le monde a déserté la terrasse et la salle, encore bien froide malgré les couleurs vives ; le paysage retrouve son romantisme. Entretemps, beaucoup de monde pour la cuisine pas déshonorante, sauf le riz. Un menu solide, d’un excellent rapport qualité prix. Des salades bien assaisonnées, bien composées (bons nems au reblochon), des sauces de série, des viandes généreuses. Mais le bar sent l’élevage à trente centimètres ; il y a élevages et élevages. Service rapide, aimable, voire pétulant. Un vin blanc bouchonné servi au verre, ça, ça passe mal. Le reste : bien honnête, à ces prix. J’espère que la maison fonctionne aussi le soir, ce serait dommage de perdre le coucher de soleil sur la station de lavage.
7 rue de l’Acqueduc Darcy – Ahuy
Tél : 03.80.45.31.66
Menu à 13,50 € – Carte : 25/35 €
C’est le syndrome Astérix, version gamelles :
une sorte de brasserie/bistrot cerné par les restaus de chaîne, grillades, poulet frit, etc… Et qui résiste vaillamment, fort d’une expérience déjà longue et d’une maligne utilisation d’achats Métro retravaillés à domicile avec générosité et savoir faire. Moules frites, plat du jour plantureux, associé selon plusieurs formules, buffet costaud – intitulé « Le bonheur des dames » quoique d’obédience manifestement lyonnaise – et desserts soignés, selon saison et arrivages. Tout ça bien honnête (les viandes sont bien achetées), agrémenté d’une cave qui signale que si le clos du titre a muté de la vigne au béton, on continue à s’y intéresser au vin ; de la région, en tout cas. Au bout du compte – addition paisible – on en sera pas à entonner les cantiques, mais la pause midi n’aura pas augmenté le purgatoire, loin de là. D’autant que le service, efficace, sait rester avenant même dans la tourmente. Ce qui se maintient là bizarrement, sur cette terre un peu moins avenante qu’un avis d’impôt, c’est une certaine tradition du resto de quartier ; ce qui donne à la zone un rien d’humanité.
19 rue Paul Langevin – Chenôve
Tél : 03.80.52.83.37
Menus de 10,60 € à 14,80 € – Carte : 30/35 €
Ce n’est pas pour critiquer, mais cette zone est appelée à disparaître en tant que telle. L’actuel chantier, non plus que la proximité de la déchetterie ne saurait abuser : nous sommes bien en présence d’un centre d’affaires ; on y trouve déjà une banque, et si ça se trouve, le rond point sera bientôt orné d’un objet d’art. On y trouve aussi un vrai restaurant à géométrie variable, dont la clientèle chemisette et cravate cède la place en week-end aux familles réunies pour quelque heureuse cérémonie. La surprise, après tout ça, c’est que ce n’est pas mal du tout, même si les terrines – oie ou poisson – compactes, signalent d’emblée la cuisine de traiteur. Le bon côté de la chose, c’est que la décoration des assiettes est très soignée, les sauces adroitement variées sur des bases communes, les desserts parfaitement ajustés (bonnes mousses, sapides et légères). Mieux : les produits sont de qualité (bon sandre) et le petit menu est bien travaillé, même si les nems de lapin annoncés sont plutôt des crêpes). Une vraie lueur d’espérance dans cette campagne austère (je parle de cette série d’enquêtes). C’est aussi un peu plus cher ; en regardant bien, la différence entre le moins cher et le plus coûteux de cette série est de l’ordre de 5 €, si on se réfère aux petits menus. Par jour, ça peut compter.
Parc Valmy, 54 avenue Françoise Giroud (Route de Langres) – Dijon - Tél : 03.80.73.38.36
Menus de 15,80 € à 28,80 € – Carte : 34/40 €