Eté 2013
N°55par Jean Maisonnave
J’ai raté l’inauguration de la rue de la Liberté - écartons d’emblée ce "Via" un peu ridicule -, j’étais à Vienne.
Le visage de la Liberté - Gloria Friedmann
La rue de la Liberté viennoise se nomme Kärtnerstrasse. Elle est scandée en son milieu par des arbres, des sièges, des kiosques. On peut la traverser, y faire ses achats, s’y reposer, y manger une saucisse ou un strudel. Elle est un peu une agora, un paseo à l’espagnole, un rendez-vous pour les Viennois, y compris le dimanche où les magasins sont fermés.
A Dijon aussi il y a des arbres, deux. Mais ceux-là ne produisent pas d’oxygène, ils n’absorbent pas le bruit, ils ne font de l’ombre à personne (sauf métaphoriquement) et on a peu de chances de voir des oiseaux s’y percher. Hors deux sapinettes captives, ils sont de la même matière que ce qui les entoure. Ils appartiennent au même monde.
La question n’est absolument pas d’évaluer la qualité artistique de ces œuvres. Encore moins leur prix. Ajoutons que l’art doit être partout où il y a de la vie, et surtout là où on ne l’attend pas.
La question est de savoir ce que font, à cet endroit, ces deux œuvres là, arbres minéraux. A coup sûr, ils ne remplacent pas, sans doute prétendent-ils évoquer. Mais évoquer quoi ? L’absence d’arbres ? On est alors en devoir de s’interroger : s’agit-il d’un remords, d’une provoc ou d’ironie ?
Imaginons-les, ces deux œuvres, dans une forêt ou un parc, même domestique. Il y aurait dialectique. Un choc peut-être mais qui donnerait à penser. Sur la nature peut-être, l’urbanisme, la déforestation, que sais-je…
Mais là où on les a mis, que font-ils ces arbres, sinon participer, sinon acquiescer en définitive non à ce que représente cette rue, mais à sa nature profonde qui est d’être un passage de pierre entre des murs de marchandises. C’est ainsi qu’ici cet art fait sens.
Il paraît que c’est un choix. On me dit qu’il y a des raisons. Pas une ne tient de ce que j’ai entendu ou lu. Et puis, il n’y aura jamais assez de nature à l’intérieur des villes, de moins en moins jamais, il en faut partout, sur les murs, les toits, les rails, c’est le seul avenir. Même si ça engendre certaines contraintes.
On me dit aussi que ce n’est pas fini, que la réflexion continue. Alors, espoir ?
Cette ville a fait plus de belles choses qu’auparavant en quarante ans, il faut le dire. Quand on considère le nouvel habitat, on voit transparaître partout, outre le talent, un réel humanisme. Au sens plein. Alors on aimerait ressentir le même sentiment face à l’aménagement des espaces publics. Surtout lorsqu’il s’agit de Liberté, de Libération ou de République…