Eté 2013
N°55Le 7 septembre, on va leur faire la fête, à tous ces ducs que l’on n’arrive jamais à mémoriser, et qui ouvrent enfin pour nous les portes de leur palais. En attendant, pour nous détendre, c’est toute la Bourgogne qui nous invite à mieux la découvrir, sur les pas de ces grands hommes et des petits qui les ont toujours suivis.
LA CAMPAGNE DE COM’ QUE VOUS NE VERREZ JAMAIS !
Imaginé par l’agence tempsRéel,
ce concept de communication
était destiné à une cible nationale !
Il reposait sur le décalage entre
un slogan provocateur et une image
des Ducs de Bourgogne
qui a imprégné les manuels scolaires
de toutes les générations !
L’objectif était simple :
faire du buzz sur les réseaux sociaux,
profiter de la réouverture du musée
pour faire parler de Dijon et se faire
remarquer dans le brouhaha
publicitaire de la rentrée !
Dijon a le goût de l’ordre, ça se voit, ça se sent. Un peu trop même. Regardez l’Hôtel de Ville. Une noble bâtisse, ennuyeuse à force de symétrie, un rien trop prétentieuse, et pourtant sauvée de l’ennui grâce à sa Tour Philippe le Bon. C’est tout ce qui reste de vraiment visible, depuis la place royale, du Dijon des Ducs et ça suffit pour créer le panache.
En la regardant, j’ai rêvé qu’un écrivain de polar historique allait venir à mes côtés, pour me conter en avant-première la future série à succès qu’il était en train d’écrire sur ces maudits Ducs plus connus en Flandre, en Autriche, aux Pays-Bas ou en Espagne que chez nous, en Bourgogne. Après les Rois Maudits, quel succès ce serait ! On retrouverait tous les ingrédients des feuilletons historiques : de riches mariages calculés au gramme d’or près, des fils qui sauvent leurs pères, un duc qui fait assassiner le frère du roi avant d’être lui même exécuté sous les ordres du dauphin, futur Charles VII... Le (soit-disant) bon Philippe qui va s’allier aux Anglais, pour se venger (et dire qu’en ce moment, même à la gare SNCF, personne n’est capable d’aligner trois mots en anglais pour accueillir les visiteurs !)... La suite, vous la connaissez, on n’a pas le beau rôle. Quand on ne livre pas Jeanne d’Arc contre 10 000 écus d’or, on va se faire trucider et saler comme des cochons dans une tour d’Aigues-Mortes.
Va falloir qu’Irène Chauvy nous l’écrive, ce sacré feuilleton, elle, la reine du polar historique. Quand elle sera à la Réunion et qu’il y aura trop de moustiques dehors, elle sera ravie de se pencher sur notre histoire.
Je suis curieux de lire « La Bourgogne pour les nuls » qui sort ce mois-ci (voir plus loin en pages Livres), afin de découvrir si Bernard Lecomte a rétabli ou non la vérité historique. Lui, au moins, a ce mérite de nous rendre la Bourgogne franche et joyeuse, il était temps. Et tout le monde va lire son bouquin, même les Parisiens.
« Va te faire voir chez les Ducs ! » Imaginez cette affiche dans tous les couloirs de métro à Paris, du coup, ça les aurait fait sourire, les Parisiens, ils seraient venus nous voir, eux qui passent par l’autoroute sans s’arrêter, bien souvent. Plus besoin d’agiter nos pots de moutarde, nos pains d’épices, nos bouteilles de cassis pour les faire saliver. Quoique, tout ça ensemble dans un même panier, avec un livret pour partir sur les pas des ducs, ça forme un tout plutôt sympa. Cette campagne de pub, vous ne la verrez que dans Bing Bang. Florence Menu et son agence Temps Réel s’étaient pourtant bien amusés à la réaliser. Mais bon, l’heure n’est plus à la rigolade, sauf dans certains magazines et sur les blogs. La vraie campagne, vous la découvrirez au dos de ce mag, pas mal non plus, faut l’avouer.
Revenons à nos « trouduc » partis mettre la raclée aux Armagnacs. Difficile de savoir ce qui s’est réellement passé, en ce temps-là, surtout depuis que les Pleurants ont quitté les tombeaux des ducs pour leur grande tournée à travers le monde. Une tournée qui les a grandis au point qu’on a plus envie de les revoir, eux, sur un piédestal, que ces ducs qu’ils n’ont jamais franchement pleuré (regardez-les de près, certains rigolent !). Ils nous obligent à revoir tous nos cours d’histoire, nous consolent face aux turpitudes des faux grands de ce monde qui continuent d’exploiter la crédulité du bon peuple. Tapie dans son coin, VooTV rigole : avec tout l’argent qu’elle a coûté aux contribuables, on aurait financé largement le feuilleton qui aurait prouvé au monde qu’on n’était pas qu’un immense pot de moutarde. Des stars franco-anglaises auraient joué les principaux rôles, forcément. Quel ratage ! Enfin, rien n’est perdu.
Tenez, ces pleurants, maintenant qu’ils vont être dupliqués un peu partout, on va les collectionner comme Papi collectionnait les verres de moutarde. Le plus drôle, c’est que leur tête, même sous un capuchon, sera bientôt plus connue que celles des ducs eux-mêmes.
Soyons honnêtes, vous seriez capables de les reconnaître, ces quatre-là, si vous les croisiez au coin de la rue du Bourg ? Bon, d’accord, s’ils étaient déguisés comme sur leurs tableaux, vous sauriez peut-être que vous avez devant vous Philippe le Hardi (1363-1404), Jean sans Peur (1404-1419), Philippe le Bon (1419-1467), Charles le Téméraire (1467-1477), et pas un échappé d’une fête moyenâgeuse quelconque.
Des fêtes, des commérations, il y en a un peu partout ; Bourgogne Tourisme les a toutes répertoriées sur son site, on vous laisse les découvrir, tout en signalant certaines au passage, dans nos agendas forcément subjectifs. Il y a même un joli petit guide papier initié par Bourgogne Tourisme qui vous entraîne « Sur les pas des Ducs de Bourgogne »...
La Bourgogne fait sa fête aux ducs, et ça va durer jusqu’à la fin de l’été indien (le seul, le vrai !) profitez-en. On vous donne même le programme du début des festivités.
En attendant, allez faire un tour cour de Bar et ne croyez pas nécessaire d’ajouter par vos réflexions au désespoir de l’architecte qui a installé ce joli panneau couleur moutarde à l’ancienne au dessus de la future entrée du musée. Un toit qui correspond bien à notre époque au fond : finies les tuiles vernissées, bonjour l’écran géant qui servira pour annoncer les futures manifestations du musée ou la carte de la cafétéria du rez-de-chaussée (on rigole !).
C’est ici que la balade se doit de commencer. Ici qu’aura lieu, le 7 septembre, une inauguration en grandes pompes. Déguiser tout le monde aurait été une bonne idée, non ? Laissons mûrir l’idée. Une fête de la vigne comme au temps des ducs, ce serait terrible. Surtout maintenant qu’on a des cavistes, des bars à vin partout... Ne manquent plus que les vignes. Mais elles sont là, Dijon va nous les servir sur un plateau, on va connaître cet été (si le temps le permet) des vendanges historiques, dans le Dijonnois, pour parler duc.
Vive Dijon, vivent les Ducs, vive la Bourgogne... libre !
■ Gérard Bouchu