été 2014
N°59par Albert Tournepage
Le livre de Jean-Louis Voisin (*) semblait définitif quant au lieu où s’est déroulée la célèbre bataille : nul doute selon lui que la commune Côte-d’Orienne d’Alize-Sainte-Reine a vu l’affrontement entre deux géants, César et Vercingétorix, ce qui rejoint la thèse officielle. Mais la contestation gronde, et les défenseurs de la Franche-Comté ne baissent pas les bras. Etat des lieux d’une guerre annoncée.
Après quelques mots un peu secs, les choses en restent là. Puis, lors du salon du livre d’Autun, en avril dernier, nouvel épisode : cette fois Jean-Louis Voisin est absent, mais un de ceux qui étaient venus à Beaune contester la thèse officielle s’approche d’Evelyne Philippe, l’éditrice d’ « Alésia », et lui reproche en des termes vifs d’avoir réédité un livre comportant selon lui autant de contre vérités.
La passion est un plat qui se consomme chaud, brûlant même, et qui n’a que faire de la raison. Mais l’on ne peut s’empêcher de penser que, dans cette affaire, d’autres forces sont en action. Des forces souterraines. Ainsi, un projet assez ancien vient de refaire surface, que le gouvernement actuel est bien décidé de mener à terme : il s’agit de fusionner certaines régions françaises, l’Hexagone passant de 22 régions – pour la France métropolitaine - à 14.
Vus sous ce biais, les événements survenus, qui paraissent a priori circonscrits au seul domaine de la culture, seraient bel et bien le symptôme d’enjeux politiques aussi concrets qu’importants : qui, dans le projet de fusion des régions, va l’emporter ? Dijon ou Besançon ? Ou bien, lu autrement, d’une manière symbolique, Alise-Sainte-Reine ou Chaux-des-Crotenay ?
On peut contester bien sûr cette interprétation des faits. Il n’empêche qu’une chose au moins est sûre : la guerre pour la Bourgogne a bel et bien débuté. Vercingétorix va-t-il une nouvelle fois perdre la bataille, si tant est que César l’ait effectivement remportée en Côte-d’Or ?
Nous avons posé quatre questions à Jean-Louis voisin.
Voici ce qu’il nous fut répondu :
vous semble-t-il que le débat soit clos, et pourquoi ?
Il l’est, et depuis longtemps. Déjà en 2009, l’un des meilleurs spécialistes des questions militaires à Rome, Yann Le Bohec, écrivait : « La localisation d’Alésia est un problème mort depuis des décennies, et il n’intéresse plus que quelques auteurs. » Pourquoi ? Il est difficile de tirer des enseignements précis du texte de César. Mais l’ensemble des éléments que l’archéologie a mis au jour sur le Mont-Auxois et ses alentours — depuis le nom Alisiia aux balles de frondes frappées au nom de Labienus, le principal lieutenant de César, en passant par le plus grand complexe militaire connu actuellement de la fin de la République — est si important qu’il faut se demander ce qu’est ce site s’il n’est pas l’Alésia césarienne. Et comment l’expliquer ? Sur les sites dits alternatifs, rien d’aussi varié et d’aussi resserré dans le temps (les années cinquante av. J.- C.) n’a été trouvé. Ainsi à Syam/La-Chaux-des-Crotenay, dans le Jura, de nombreuses campagnes de fouilles ont eu lieu. Le matériel trouvé n’est pas négligeable, plus de 3000 objets métalliques, plus de 5000 objets céramiques. Il a été expertisé en 2011. Résultats ? Aucune arme, et quasi rien de l’époque du siège d’Alésia. Conclusion : aucune bataille mettant aux prises des Gaulois et des Romains n’a eu lieu à cet endroit !
Un exposé clair, lisible par tous. Qui permet à chacun, en toute objectivité, de se faire une idée sur cette controverse. Qui raconte les événements, présente les protagonistes, expose les enjeux. Je ne m’arrête d’ailleurs pas à la seule bataille entre César et Vercingétorix. Je visite la petite ville gallo-romaine jusqu’à sa christianisation, retrace l’histoire du village d’Alise avec ses pèlerinages à sainte Reine et m’arrête avec l’un de ses enfants les plus célèbres, le chanoine Kir, et avec le Muséoparc.
La chance, son génie militaire qui utilise toutes les failles de ses adversaires, le professionnalisme et le savoir-faire de ses troupes qui le suivent aveuglément. Vercingétorix et les siens n’ont pas démérité, mais la fameuse armée de secours, très nombreuse, qu’il a réclamée est divisée, mal commandée, mal employée et composée de soldats courageux certes, mais se comportant souvent en amateurs.
C’est le décalage entre la statue de Millet qui domine le Mont-Auxois et qui reflète le Gaulois tel qu’on le rêvait sous le Second Empire et les connaissances actuelles qui m’a amusé. Par exemple, il est probable que le chef arverne ne portait pas de moustaches « à la gauloise ». De la statue, un seul élément est vraiment gaulois, les bracae, les braies ! Tout le reste est le produit de l’imagination.
(*) Jean-Louis Voisin, « Alésia, un village, une bataille, un site », Editions de Bourgogne, 226 pages, 18,50 €
C’est un titre que vous auriez pu voir à la Une de votre quotidien régional. Didier Leterq, qui vit à Hauteville-les-Dijon, est chimiste au CEA (Commissariat à l’Energie Atomique... et aux énergies alternatives, comme on dit maintenant). Mais ce ne sont pas ses recherches qui l’ont mené à suivre la piste d’un trésor fabuleux, composé de statères d’or. C’est l’envie d’écrire des aventures pour adolescents d’aujourd’hui, façon Club des 5. Théo et ses amis profitent d’un voyage scolaire en Bourgogne pour mener une enquête, entre Bibracte, Vix et Alesia, en passant par les forges de Buffon. Elle les conduira au pied de la statue d’un Vercingétorix ressemblant à ce Napoléon III qui avait recherché lui-même le trésor toute sa vie. Ils le trouveront, en risquant leur vie et celle d’un Grand-Pa un peu déjanté qui n’a jamais pensé qu’Alésia pourrait être une imposture de l’histoire, le Figaro n’ayant pas encore lancé sa bombe au moment où le livre était écrit. Un régal pour petits et grands. ■ GB
Théo et le trésor de Vercingétorix, par Didier Leterq, aux éditions Le Pommier.