Printemps 2017
N°70Pour atterrir dans son répertoire, tout le showbiz se bouscule au portillon. Sur la première page Jean-Michel Aulas, le président de l’OL. Baroin (un futur présidentiable, celui-là) se faufile juste derrière tandis qu’au rayon « D », Dujardin croise la route de Ducasse. À la lettre L, en tête, en gros, en énorme, il y a Lelouch, évidemment. Et juste en dessous Lambert, Christophe de son prénom. Du côté des « H », c’est Hallyday qui s’arrache. On pourrait continuer ainsi pendant des heures.
Acteurs, chanteurs, industriels, restaurateurs, sportifs de haut niveau, mécènes, le VRP Suguenot a misé gros sur son carnet d’adresses. C’est vrai que pour le reste, il était relativement gâté au départ : Beaune, capitale des Vins de Bourgogne a toujours su tirer son épingle du jeu, notamment côté tourisme. Le charme d’un gros village, l’allure d’une petite ville de province et surtout, les plus grands vins du monde.
Il n’y peut rien, l’as des AS, s’il a, dans sa communauté de communes, des patelins de 500 âmes plus connus que Dijon ! Pommard, Volnay, Puligny-Montrachet, Meursault, c’est sûr, ça cause. Et dans toutes les langues. Mais ça ne suffit pas. Depuis qu’il a pris les commandes de la mairie de Beaune en 1995, Suguenot a bien compris que pour attirer le touriste, il ne fallait pas se contenter de l’attendre sagement.
« Ce n’est pas de ma faute si en côte de Beaune, des villages de 500 habitants sont plus connus que Dijon »
Avant de déballer son carnet d’adresses il a donc lâché les chevaux. Et fait chauffer le moteur. « Beaune est une ville qui démarre au quart de tour. C’est la force des petites villes. Tout va plus vite, tout se décide plus vite, tout s’accélère ». Pour faire prendre la mayonnaise, Suguenot s’appuie d’abord sur l’atmosphère singulière qui flotte dans les rues. Ce petit truc en plus, inexplicable, qui fait que Beaune a de la bonne énergie à revendre. Il mise aussi sur le vin, évidemment, sur ces Climats que le monde entier nous envie et qu’il a défendus becs et ongles. Beaune, c’est l’hédonisme, le pouvoir de la rencontre, le plaisir à l’état pur, les bonnes ondes qui déboulent. Sur le papier, franchement, rien à dire. Sauf que les touristes, somme toute séduits, ne font que passer. Ils sont 1,7 millions chaque année à fouler les pavés beaunois mais ils oublient de rester. C’est là que Suguenot dégaine. Des projets, il en a à la pelle, et des copains prêts à le suivre aussi.
L’un de ses bébés - car Suguenot est du genre famille nombreuse en matière de projets - c’est bien sûr la Cité du Vin. Un concept un brin barré, mais qui tient carrément la route, où les vins de Bourgogne auront enfin le champ libre pour s’exprimer. Loin d’être cantonnée à des caves sombres et à des vignerons pas toujours gracieux, la Bourgogne se révèle enfin avec un centre d’interprétation des Climats. Non seulement vous allez comprendre pourquoi cette région viticole est unique au monde, et en plus vous allez basculer dans Suguenoland : 14 hectares entièrement dédiés aux précieux breuvages bourguignons avec une tour de 22 mètres imaginée par un archi de compet’ (on parle de Wilmotte) pour décrypter la côte, les yeux rivés sur le vignoble, un hôtel 5 étoiles avec spa dans la chambre comme il n’en existe qu’à L.A. (un coup de Christophe Lambert), une halle pouvant accueillir 1200 personnes en cas de sauteries improvisées, des restos éphémères signés Ducasse ou Gagnaire, forcément, la possibilité de déguster sur place les 1247 Climats bourguignons, un parc, que dis-je, une forêt (!) pour s’aérer l’esprit et se faire du bien avec un parcours d’art contemporain. Sans oublier un pavillon dédié au Bureau Interprofessionnel des Vins de Bourgogne, à l’école des vins et à l’INSEEC, une école de commerce branchée pinard. Le tout sans bagnole et construit en un temps record. Suguenot parie sereinement en effet sur une ouverture en 2019 !
Soyons clairs, et même Suguenot le dit : le dernier Lelouch est une ode à Beaune. Il faut dire que le réalisateur a fait de la ville son terrain de jeu favori. Dans ses Ateliers du Cinéma, il est chez lui. Amoureux de Beaune depuis le premier jour, lui aussi touché par la grâce beaunoise, il a, avec la complicité du maire, accouché d’un petit Hollywood à la sauce bourguignonne : 1 auditorium de mixage et d’étalonnage, 4 salles de montage, 1 salle de projection confidentielle, 650 m2 de plateau de prise de vue dans lequel seront également organisés des concerts et les masterclass et bientôt, une cinémathèque et la Maison du Mouvement Marey (un précurseur du cinéma qui a eu la bonne idée de naitre à Beaune en 1830). Derrière cet outil de création qui pourrait bien accueillir des tournages de séries du monde entier et de tout l’univers (soyons fous !) se dessine un projet culturel et touristique qui pourrait bien, là encore, convaincre les touristes égarés de faire durer le plaisir encore et encore et encore et encore.
Déjà à l’initiative d’une marque qui fait la part belle au local « le Goût d’Ici », Suguenot persiste et signe avec le « Bœuf de Beaune ». Un délire, devenu réalité, une idée de génie (?), pour rendre Beaune encore plus exceptionnelle. Dès l’automne prochain (sans doute au moment de la Vente des Vins, histoire de faire le buzzzzzzzzz), le bœuf beaunois sera sous le feu des projecteurs. Comme son cousin éloigné de Kobé (qui sort tout de même à 420 euros le kilo), le bœuf de Beaune sera lui aussi unique au monde. Pour éviter toute forme de stress, ces rolls royces de la charollaise seront massées quotidiennement par l’homme avec du pinot et du cassis au rythme des Pink Floyd. Résultat ? Une bête grasse juste ce qu’il faut, détendue comme jamais et une viande que les curieux du monde entier s’arracheront.
Il est fort hein, le supermaire de Beaune ? Un super-héros sans super pouvoir, mais avec un carnet d’adresses XXL et un petit côté « no limit ». Depuis plus de 20 ans, il impose sa Suguenot touch : « Ici tout se fait “à la Beaunoise*“ : vite, bien et sans besoin de personne ». Enfin presque. ■ EC
* On attend avec impatience la sortie de l’ouvrage de référence : le monde selon Suguenot. La méthode déposée « à la beaunoise », à conseiller à tous les nuls en com.