Octobre 2008
N°36Texte : Jean Maisonnave
Photo : DR
Aux portes de la Bourgogne, à l’extrême sud de la Saône-et-Loire, le projet le plus fou, le plus enthousiasmant de l’année, voire de la décennie, porté par un couple de restaurateurs qui ne manque ni de talent ni de culot… À Iguerande, les siècles se parlent autour d’une mare et d’une tête de veau !
Ce jour-là, le village entier sentait la pistache. Il en va ainsi à Iguerande, où la Bourgogne confine à la Loire : le passage du temps est rythmé par des parfums –noisette, oeillette, sésame, colza grillé- surgis de l’antique et épatante huilerie Leblanc, autre motif de se rendre dans ce lumineux et paisible secteur, avec les églises romanes, le charolais et, désormais, la Colline du Colombier.
L’époque est rude pour la restauration. En France, chaque jour, un établissement est mis en vente ou disparait, du café rural au gastro. À l’heure où des optimistes prétendent faire reconnaître la cuisine hexagonale comme patrimoine de l’humanité, on saisit la contradiction. Et ce n’est pas une qu’une affaire de TVA, loin de là, c’est plus profond, les jeunes talents se perdent.
Bref, l’époque est plutôt aux garanties ou aux bons coups qu’à la vraie prise de risque qualitative. C’est pourtant dans ce contexte que Marie-Pierre et Michel Troisgros (du célèbre Hôtel de la Gare à Roanne) ont décidé, dans une cambrousse presque immaculée, de transformer un bout de grange et un genre d’hermitage flanqué d’une mare, en hôtel-restaurant de luxe. Jusque là, rien d’exceptionnel, ils ne sont pas les premiers. Ce qui rend la chose originale et passionnante, c’est la forme et le fond de l’entreprise. Rien de comparable dans le genre, sauf peut-être ce que firent Michel Bras au sommet de l’Aubrac ou encore Amat et Jean Nouvel sur les hauteurs de Bordeaux. À savoir une sorte de geste à la fois social, artistique et écolo. Et un acte de foi en la cuisine.
À l’origine, une rencontre, pas mal surprenante, entre une famille de cuisiniers plutôt sage (même si déjà attirée par la peinture), et un architecte, Patrick Bouchain, l’homme du Théâtre Zingaro. Un adepte des architectures nomades, des matières brutes ou recyclées, détournées. En gros, il touche à presque rien, mais il change tout !
C’est quoi ? c’est beau. Et c’est très beau, pour des professionnels arrivés, d’avoir couru ce risque là, par amour de l’esthétique et du métier. Car ces superbes (et très confortables) cabanes, c’est de l’art : un acte de respect pour la nature, de confiance envers la clientèle, et d’optimisme pour le jeune personnel qui peut ainsi travailler au pays. Pour la Bourgogne touristique, c’est un nouvel atout. J’espère que les responsables en sont conscients.
On perçoit aussi le risque fou : la clientèle Relais & Chateaux va se demander pourquoi, à 250 € la nuit (tout de même), on n’a pas repeint les ferrures, et où sont les commodes d’époque. En Europe du Nord, il existe des choses de ce genre. Ici, à la frontière sudiste, c’est la grande aventure.
Montez-y, ne serait-ce que pour déjeuner ou dîner. Un menu-carte simple et alléchant : pisé de tête de veau, tomate et poireau en vinaigrette, une entrée délicieuse et délurée, parmentier de souris d’agneau à la coriandre, mirliton de pomme écrasée à la noix. Paradoxe : il n’ya que la viande de charolais que j’oublierai. Un comble ! JM
La Colline du Colombier : à la sortie d’Iguerande (71340),
tout au sud de la Saône et Loire. Tél 03-85-84-07-24.
la-colline-du-colombier@troisgros.com, www.troisgros.com
Suivre panneaux à partir du feu. Tlj sf mer, et jeu midi.
Menu 34 € ; vin en pichet à partir de 6 €. Plats 15-30 €.