Octobre novembre 2010
N°44On a testé pour vous
Les Français sont les plus grands consommateurs de beurre en Europe. C’est assez logique. Tout comme est logique le classement des derniers, l’Italie et l’Espagne. Il ne faudrait pas croire pour autant que c’est un phénomène récent. Au Moyen Age, la cuisine au beurre était nommée
« cuisine de flamands », autant dire : de barbares. C’est que le beurre nous était arrivé, si j’ose dire, sur l’aile des envahisseurs, ce qui en faisait un produit barbare, mal vu, pas du tout distingué. Ce n’est qu’au XIXème siècle que le beurre a fini par devenir l’attribut de la cuisine bourgeoise, quand ces gens là, pour avoir su faire leur beurre et gérer l’argent l’icelui, devinrent une réelle puissance économique. Cuisine au beurre donc, par opposition à la cuisine à l’huile, jugée peu élégante, voire métèque.
A ce moment de l’histoire, le beurre provenait de Bretagne et de Normandie, ce n’est qu’un peu plus tard, que les Charentes et l’Est en furent investi, à la faveur, partiellement, de la déforestation.
A ce moment de l’histoire, la nôtre, le beurre stagne, comme la consommation de tous les autres corps gras, à l’exception notable de l’huile d’olive. Pourtant le beurre est moins gras et pas beaucoup plus nocif, si on le mange cru. Et puis c’est tout de même une des excellentes choses qu’on doit au génie de l’homme. D’où ce banc d’essai, très partiel. Il y en aura d’autres, car nous nous devons de défendre, par-delà le beurre, la filière agricole ainsi que la laitière, son petit pot crémeux et sa motte ivoirine, au délicieux parfum de noisette.
Quelle que soit la présentation, plaquettes, rouleaux, mottes, beurriers…, la réglementation permet au consommateur de savoir ce qu’il achète. Il suffit de bien lire l’étiquette. Laquelle doit obligatoirement indiquer le nom et l’adresse du fabricant (ou du vendeur, parfois c’est le même) et le pays d’origine. S’il s’agit d’un beurre d’appellation contrôlée (AOC) cela doit figurer. La mention « beurre cru » n’est pas obligatoire, mais la mention « beurre fermier » l’indique généralement. La mention « beurre allégé » implique de 65 % à 41 % de matière grasse. En dessous, il s’agit
« d’une spécialité laitière », rien à voir, on y trouvera des matières grasses.
Outre le « beurre cru », très minoritaire, on trouvera du « beurre fin » ou du « beurre extra-fin », le plus visité. « Beurre cru » : la crème n’a subi aucun traitement thermique, d’où une saveur plus « naturelle », mais également une moindre conservation.
Le « beurre extra-fin » est fabriqué à partir d’une crème pasteurisée, qui n’a été ni congelée, ni surgelée, alors que le dit « beurre fin » (c’est rarement indiqué) a droit à 30 %, ou moins, de crème surgelée. C’est plutôt un beurre pour l’agroalimentaire, comme les beurres dits concentrés.
Pour les amateurs, rappelons que le beurre fait 82 % de matière grasse, ce qui est plus que la crème mais moins que les huiles. Il est aussi plein de vitamines A. Mais alors, j’insiste, il ne faut surtout pas le cuire, juste au besoin le fondre. Le beurre noir de nos grand-mères, c’est juste de l’assassinat.
1 - Valérie Grandet, L’Atelier des Chefs
2 - Sophie Greenbaum, Fromagerie au Gas Normand
3 - Jean-Pierrre Gabriel, Slowfood
4 - Olivier Gaugry, Fromager – Fromagerie Gaugry
5 - Jean Maisonnave Critique gastronomique
La fraîcheur étant décisive en la matière, les échantillons ont été achetés à peu près simultanément, transportés en sacs isothermes, placés au réfrigérateur et libérés une demi-heure avant la dégustation, afin d’être testés à la même température. Ont été exclus les beurres en motte et les présentations singulières, pour cause d’anonymat. Uniquement les plaquettes de 250 g, nues et numérotées de 1 à 12. La dégustation a eu lieu le mardi 31 août à l’Atelier des Chefs, rue Jean-Jacques Rousseau. Après discussion, les coefficients retenus ont été les suivants : aspect visuel à la coupe = 5 - olfaction = 5 - dégustation = 10. Dégustation à l’aveugle et silencieuse, à « cru », puis avec le même pain. Nous avons finalement choisi cette fois de ne déguster que des beurres doux, pasteurisés ou non, fermiers ou crémiers. Nous reviendrons une autre fois sur les beurres salés et mi-salés.
D’emblée, une chose apparaît : les beurres pasteurisés sont devant, les beurres fermiers derrière. Etonnant ? pas trop. Je persiste à penser que certains beurres fermiers sont inégalables, mais il faut les consommer frais. Sur les beurres fermiers ici présents, un seul comportait une date de péremption. Les beurres fermiers sont aussi plus typés, apparemment ça n’a pas trop plu à nos jurés.
Les beurres AOC arrivent en tête : normal. Mais ce sont aussi les plus chers. Les deux Isigny, d’après le code, sortent de la même coopérative. Ils ne reçoivent pas les mêmes notes. Vu les dates, il s’agit de deux lots différents : pas les mêmes laits.
La traditionnelle surprise : au deuxième rang, le moins cher, provenance discount. On n’a mis qu’un « discount » cette fois-ci, car les marques varient trop. Ici il s’agit semble-t’il d’un beurre auvergnat. J’ai toujours dit que les auvergnats étaient balaises en beurres, fromages, couteaux et parapluies.
Nous n’indiquons pas la marque du beurre fermier acheté au marché de Beaune. L’échantillon a subi une grosse déformation au transport, accident. Mais on vérifiera.
Le beurre bio, unique échantillon, s’en sort pas mal, mais on attendait mieux. C’est un beurre laitier issu de Loire Atlantique, en fait.
Le beurre breton s’en sort mal, ça c’est une vraie déception, pour la
« patrie » du beurre. En revanche, celui-là est peu coûteux.
Marque |
Provenance |
Prix/250 g |
Commentaires |
Note/100 |
|
GRAND FERMAGE AOC - Charentes Poitou |
CORA Chenôve |
1 € 63 |
Bel aspect, finesse à la dégustation, mais pénalisé par une olfaction très neutre. Peu de personnalité. |
47,5 | |
Coopérative fromagère Tourmont – 39 |
Maison BENOIT Marché - Dijon |
2 € 10 | Très jaune, plusieurs jurés soupçonnent la présence de carotène. Nez volatile, saveur puissante, déplaisante pour plusieurs : paille, vache. | 44 | |
Ferme de Ligny | Marché Dijon |
1 € 90 | Couleur jaune, nez fermier, presque oxydé, saveur de même. Sauf pour un juré qui le classe en tête ! |
42,5 | |
Beurre moulé Extra-fin Marque Distributeur |
CASINO Dijon |
1 € 86 | Texture nette dense, ivoire. Peu de caractère, mais grande fraîcheur lactée, au nez comme au goût. Légèrement herbacé. | 64 | 3 |
PRESIDENT « Gastronomique » |
SUPER U Arc sur Tille |
1 € 52 | Un juré fustige la fadeur, la plupart salue un produit consensuel, sans personnalité mais sans défaut et une belle texture à la coupe. Le nez est faible. | 63 | 5 |
Beurre Fermier | Marché Beaune |
2 € 50 | Très typé fermier, partage les jurés.Texture peu homogène, poches humides, nez et goût puissants, manque d’élégance, « beurre à défaut » indiquent plusieurs. | 54 | |
BELLE FRANCE AOC - Beurre d’Isigny de Baratte |
COLRUYT Nuits-Saint- Georges |
1 € 84 | « Présentation prétentieuse » note un juré (type moule en bois). Le reste est bien jugé par tout le monde, mais un nez légèrement oxydé abaisse la note d’ensemble. | 62 | |
PATURAGES Biologique (AB) |
INTERMARCHÉ | 1 € 89 | Texture friable et cassante, belle couleur. Odeur très lactée, crémeuse. Saveur d’agréable douceur, crème fraîche. | 62 | |
Beurre de Bretagne Marque Distributeur |
CARREFOUR Dijon |
1 € 30 | Blanc, texture friable, fragile à la coupe. Olfaction faible, comme fermée. Saveur fraîche, sans grand caractère, passe partout. | 52 | |
Beurre ECHIRÉ AOC - Charentes Poitou |
Crèmerie HESS Beaune |
2 € 80 | Onctuosité et souplesse, couleur ivoire clair ; le produit divise les jurés, trop discret, voire fade pour les uns, élégant, fin et long pour les autres. Deux le classent en tête. | 63,5 | 4 |
CHAMBRÉ Extra-Fin |
ALDI Dijon |
1 € 29 | Beau produit à l’œil, très lisse et homogène à la coupe. Fraîcheur lactée et noisette. Peu de reliefs, mais bien classé par tous. | 64,5 | 2 |
Beurre d’Isigny AOP - Marque Distributeur |
CASINO DELICE Dijon |
1 € 85 | Aspect homogène. Ductile et serré. Très poli. Parfum léger mais frais et floral. Belle finesse en bouche. |
68 | 1e |