47
Magazine Dijon

été 2011

 N°47
 
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04

10 andouillettes sur le grill

Fourrées ou tirées, elles resteront les vedettes de vos plus belles parties de barbecue. L’important, c’est la rosette.


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L’andouillette est un sujet de méditations infinies et qui peut conduire à des profondeurs vertigineuses ; contrairement à la merguez ou à la chipolata, autres produits envisagés pour un banc d’essai estival, façon pavillon herbagé avec barbecue près de la piscine hors sol.

L’andouillette est un sujet épique, paradoxal jusqu’à l’insoutenable, presque transgressif, d’une poésie violente qu’on ne rencontre plus guère que chez Lautréamont, Bataille, Céline et dans certains vestiaires de rugby. On pourrait, si on voulait, établir une métaphysique de l’andouillette, en guise de prolégomènes, il suffirait de se plonger dans la genèse.
Vous croyez qu’on y voit Dieu extraire l’homme des boutons d’or, ou le tailler dans le rumsteck ? Non. Il va le chercher au plus noir de la fange, là où le diable lui-même est rebuté, pour finir par en extraire l’esprit au prix de manipulations parfois limites d’un point de vue scientifique et de purifications qui démontrent assez que l’andouillette est aussi un produit moral.

C’est ainsi que Dieu créa l’homme et même la femme qui pourtant n’aime guère l’andouillette.
Et c’est ainsi qu’il choisit de manifester l’immensité de son pouvoir et la responsabilité du charcutier, quoique celui-ci ne soit pas obligé de purifier sept fois le viscère initial.
Ayant un jour à tourner un bout de film sur un célèbre vitrail de la cathédrale de Troyes, capitale de l’andouillette, je profitai de la pause pour en déguster une chez les frères Dubois, près du marché. C’est à cette occasion que j’entrevis, à peine, le mystère de la transmutation de la matière, plus haut évoqué. Entre le vitrail, qui représentait l’arbre de vie montant de la boue vers le ciel, et l’élévation gustative du rebutant abat, une correspondance m’apparut. Aujourd’hui encore, j’ignore si cette révélation me vint de la lumière du vitrail ou de la saveur exceptionnelle du mets, à moins que ce ne fut du Chablis, consommé il est vrai sans réelle modération. Toujours est-il que depuis, j’ai rarement désespéré de l’andouillette.

En fait, il existe beaucoup de variétés d’andouillettes, au porc, au veau, au canard, voire au poisson. Et très souvent porc et veau mélangés, comme dans le Lyonnais, du côté de Clamecy, d’Arras. Ailleurs, à Chablis comme dans les traditions ligériennes, on ne jure que par le pur porc, ce qui faisait râler Bobosse, le célèbre faiseur de Saint-Jean d’Ardières, en Beaujolais, qui n’y voulait que de la fraise de veau dans un boyau de porc… C’est un sujet de controverses infinies, on disait. Mais techniquement, il n’y a que deux méthodes : la hachée et la tirée. La première est le plus souvent fermée (le chaudin, le menu (intestins gros et grêles), l’estomac étant hachés plus ou moins gros, assaisonnés puis fourrés (embossés) dans son boyau. Dans la seconde, plus difficile donc plus rare, les ingrédients sont taillés dans la longueur, assaisonnés puis « tirés » après avoir été liés entre eux - »à la ficelle »- dans un chaudin plus gros. Ces andouillettes-là sont donc généralement tronçonnées. Quelle que soit la méthode, ce qui fait la qualité du produit, c’est le contenu : dégraissage, traitement sanitaire, condimentation. C’est dire l’importance du travail.

Et pour revenir à la métaphysique, je finirai en citant un grand professionnel de la chose, lequel me confiait que le secret de l’andouillette, c’est « qu’il faut y mettre beaucoup d’amour et de rosette », selon la gracieuse rhétorique de la profession qui nomme animelles les testicules et rosette l’anus. On voit à ces détails que pour atteindre au paradis, il faut parfois savoir se risquer aux portes de l’enfer.

Le protocole

Les andouillettes ont été achetées les 30 et 31 mai à tous les échelons de la distribution : hyper, super, supérette, discount et, vu la nature du produit, chez cinq artisans. Ce qui ne prouve en aucune façon que les artisans fabriquent tous leurs andouillettes. La dégustation s’est tenue le 31 mai à l école de cuisine de Jean-Paul Thibert, à Dijon/Talant.

Processus : appréciation visuelle à cru des produits numérotés de 1 à 10. Cuisson double, d’abord au barbecue puis finition au four. Appréciation visuelle de la tenue à la cuisson. Puis dégustation aveugle accompagnée, une fois n’est pas coutume, d’un vin blanc de Mâcon, doté d’une acidité propre à réveiller les papilles lentement anesthésiées par les gras de cuisson.

Notation sur 20, soit 5 pour l’impression visuelle, 15 pour le goût. 5 sur 20 au visuel, ça peut paraître peu. C’est que nous ne voulions pas privilégier l’andouille fermée sur l’andouillette en tronçon, ou inversement. Rappelons qu’une andouille « tirée à la ficelle », le must du genre, ne peut être que tronçonnée.
Enfin le jury a décidé de neutraliser le critère olfactif. Edouard Herriot, qui était ministre et lyonnais, donc doublement expert, estimait que l’andouillette et la politique « doivent sentir la merde, mais juste un peu ». Pure provocation, bien entendu à laquelle l’homme moderne ne peut totalement acquiescer : on voit les fumets politiques devenir trop puissants pour l’amateur d’andouillette.

Une recette ?

Poêlée, grillée, rôtie, braisée, pochée, l’andouillette est bonne fille, elle supporte tous les types de cuisson. Ma préférée, je l’emprunte partiellement à René Besson, l’illustre Bobosse. Une cocotte, l’andouillette colorée à sec et à feu vif (il faut qu’elle ait de la tenue), une tombée (généreuse) d’échalotes hachées. On mouille d’une de mie bouteille de vin blanc, on laisse réduire à feu doux, le plus longtemps possible. Cinq minutes avant la fin de la cuisson, jetez dans la réduction une cuiller à soupe de câpres au sel (donc on ne salera pas le jus !) ; puis en fin de cuisson, liez avec une cuiller à soupe de crème épaisse. C’est tout. A consommer avec le vin de la sauce, ou un Pouilly Fuissé de bonne famille.

Conclusions :

Une remarque pour commencer : les andouillettes achetées dans la grande distribution ont été choisies ou demandées de qualité supérieure. Certaines sont de fabrication artisanale ou semi-artisanale. C’est le cas de notre lauréat, issu d’une charcuterie de Clamecy (contenant donc très probablement de la fraise de veau).
La seconde et la troisième proviennent du même spécialiste troyen. La surprise, c’est que la semi-industrielle arrive juste devant le haut de gamme fait main et certifié AAAAA (Association Amicale des Amateurs d’Andouillette Authentique). A ce propos, la quatrième visiblement faite à la main, est également troyenne et probablement aussi AAAAA.

Pour les andouillettes achetées en charcuterie, rares sont celles fabriquées à la maison. Elles proviennent la plupart du temps de maisons spécialisées. Trois des quatre premières sont troyennes. Cela vaudrait presque une AOC. En tout état de cause, cherchez le label AAAAA.
Tout ceci peut largement expliquer la concordance des jugements et l’homogénéité des résultats. Seul l’échantillon n°3 (Mitanchey) a suscité des impressions très discordantes.
Profitons-en pour féliciter les acheteurs du magasin Super U de Talant. Pas réellement donné pour une grande surface mais les amateurs savent que c’est le meilleur magasin d’alimentation de l’agglomération. Je ne les connais pas mais ces gens-là savent goûter et aiment le métier.

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